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Championnat de football: Huit entraîneurs déjà limogés

par Abed Charef

La moitié des équipes de première division ont changé d'entraîneur avant la fin des matches aller. Inquiétant.

Trois entraîneurs de première division ont été limogés en quarante-huit heures, au milieu de la semaine dernière. Noureddine Saadi a quitté ses fonctions à l'USMA, Hakim Malek a été renvoyé par les dirigeants d'El-Eulma et Alain Geiger a rendu le tablier à la JSK où sa situation était devenue intenable. Au total, ce sont huit entraîneurs qui ont dû quitter leurs clubs respectifs depuis le début de la saison. Avant les crises de cette semaine, ce sont Mohamed Henkouche (Tlemcen), Amrani (Annaba), Kamel Mouassa (Bordj Bou-Arréridj), Mokhtar Assas (Blida), Amrani (Annaba) qui avaient été contraints de quitter leurs équipes. A cette liste, il faut ajouter Fouad Bouali qui a fait toute la préparation d'avant saison avec Tlemcen, avant d'être remercié à la veille du championnat. Il est allé ensuite à Blida où il n'est resté qu'une seule semaine. Ce sont donc la moitié des entraîneurs des équipes de première division qui ont déjà été éjectés, alors que le championnat n'a pas encore achevé sa phase aller. Et si on prend en considération la situation précaire de certains entraîneurs en place comme Alain Michel, on risque, à la fin de la saison, de retrouver très peu d'équipes avec le même entraîneur qui a entamé la saison. Cette instabilité que subissent les entraîneurs algériens confirme une conviction et une pratique définitivement ancrées en Algérie : l'entraîneur constitue le maillon faible du football. Il est à la fois bouc émissaire et fusible pour toute équipe en difficulté. Le président est trop puissant pour être sacrifié. De plus, avec le professionnalisme, il est propriétaire du club. Quant aux joueurs, ils sont trop nombreux pour être virés. Ils ne peuvent donc offrir cette symbolique du sacrifice qui permet de se donner l'illusion qu'on va réussir en changeant un seul élément dans un dispositif aussi complexe qu'un club de football.

 Parmi tous les entraîneurs remerciés jusque-là, deux cas méritent d'être examinés à fond. Le premier est celui de Fouad Bouali. Après avoir réussi une très bonne saison à Tlemcen l'an dernier, Bouali a effectué toute la préparation d'avant saison, avant d'être remercié à la veille du championnat. Son licenciement a été décidé pour des raisons extra-sportives. Et même totalement anti-sportives. Contrairement à ce qui a été dit, l'affaire du diplôme n'a été qu'un prétexte car la décision de le limoger avait été prise en dehors du club, à la fin de la saison dernière. Lui-même le savait d'ailleurs. Appelé à la rescousse par Blida, Bouali n'est resté qu'une semaine car il a trouvé un club qui fonctionne « à l'algérienne » : l'entraîneur doit être un homme qui obéit, et il doit servir de caution à des décisions prises ailleurs. L'itinéraire de Fouad Bouali lui avait pourtant montré que cette piste ne peut pas mener à des résultats. Il ne pouvait rester à Blida. Il ne pourra non plus rester à la JSK ni à Sétif, par exemple, où les dirigeants ne se privent pas de piétiner le volet technique. Le second cas est celui de Noureddine Saadi. Celui-ci était sur la sellette depuis l'été. On lui a annoncé la venue d'un DTS, d'un adjoint, d'un conseiller, mais il n'a pas bronché, se barricadant derrière une ligne de défense très simple : je gère l'équipe première, et j'en suis seul responsable ; pour le reste, la direction peut faire ce qu'elle veut, disait-il. Il a tenu pendant dix journées, jusqu'à ce que la direction du club décide de mettre fin à une situation devenue impossible au lendemain du match contre Bordj Bou-Arréridj. Le prétexte invoqué pour le licencier mérite le détour. La direction du club a reproché à Noureddine Saadi de ne pas avoir effectué le voyage du retour d'Oran dans le bus en compagnie des joueurs, et d'avoir autorisé deux d'entre eux à faire de même. Or, ces décisions relèvent précisément des prérogatives de l'entraîneur. Celui-ci peut voyager avec l'équipe avant le match pour maintenir la discipline et veiller à la concentration mais, après le match, les joueurs ont besoin de se lâcher. Comme, généralement, un écart d'âge important les sépare de l'entraîneur, il est préférable que celui-ci ne soit pas trop proche d'eux pour les laisser s'éclater librement. C'est ce qu'a fait Saadi, et c'est ce qui lui a valu une sanction. Au-delà de l'anecdote, c'est le manque de méthode que révèlent les mésaventures de Saadi et Bouali. En théorie, les présidents de club devraient présenter des projets sportifs, pour aller chercher l'entraîneur le plus apte à le réaliser. Dans les faits, ils se contentent de gérer au jour le jour, embauchant le premier entraîneur avec qui ils trouvent un accord.

 Tant que les résultats sont corrects, l'entraîneur est à l'abri. Mais, en situation de crise, on limoge et on prend le premier venu. Quitte à s'en séparer une semaine plus tard ! Ce contrat inclut implicitement une donnée, une part de marché inavouée: les présidents estiment qu'ils paient suffisamment bien l'entraîneur pour en faire le bouc émissaire de toutes les crises. Dans ce type de contrat, il y a évidemment peu de place pour le football.