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J'ai entendu dire
que Tlemcen allait être décrétée capitale de la culture islamique durant
l'année 2011. J'y ai fait un tour. Belle ville. Très belles œuvres
architecturales. Toute l'œuvre est celle d'un wali. Disent les gens. Que dis-je
moi ?
Ces méditations, celles qui vont suivre m'envahissaient au moment où je me trouvais juché sur le plateau de Lella Setti. Puis-je affirmer au risque de me tromper que la culture chez nous ; est simplement une chose innommable et politique ?ou affirmer sans risque de me tromper qu'elle n'est en réalité qu'un complément d'objet direct à un palais ou un ministre ? Soit ministre de la?maison de la? Ce qui caractérise avant tout un pays c'est son optimisme foncier à l'égard des capacités culturelles d'abord de la génération actuelle et ensuite, inévitablement des générations d'avant. Tlemcen par définition est une haute qualité intellectuelle et culturelle. Ce qui défait les valeurs d'une société me disais-je ne peut provenir que d'un système dont la tendance, en vue d'un parrainage négatif vise à museler son génie culturel et tenter de le moudre au travers d'un appareil trop administratif pour s'occuper de ce qui est culture, art et créativité. Sinon comment expliquer que le directeur de la culture soit entièrement impliqué dans le béton, les marchés d'entreprise, le ciment et le choix de la dalle de sol ? Rendre la fonction de production littéraire, artistique et de tout ce qui en gravite autour à de simples institutions organiques, la controverse ne mérite point d'être soulevée. Car peut-on imaginer que l'on puisse guider par décret ou arrêté la trajectoire sur une toile du pinceau d'un artiste-peintre confus dans les nuances de ses couleurs et enfouis dans le marasme de sa palette ? Peut-on de la sorte ordonner, si l'appréhension demeure possible ; à la muse d'un poète de ne plus tarir d'éloges à l'égard d'un régime, d'une personne ou d'une politique ? Etait-ce possible à un parolier, comme à son interprète, l'un d'écrire l'autre de chanter, à la commande circonstancielle, les louanges d'une révolution agraire ou la joie à l'obtention d'un trousseau de clefs mettant fin au calvaire agricole d'une crise logementale ? Et moi, en ce froid de fin novembre, pourquoi me vient-il à l'esprit toutes ces idées saugrenues du rapport culture/chantier de travaux ? On savait d'avance à quoi aboutirait une telle démarche dans la gestion de l'outil intellectuel. Elle ne pourrait surpasser le stade de la contingence, donc n'aspirant point à un devenir radieux et rayonnant. Voyons les cultures anciennes ; qu'en reste t-il en fait comme legs à l'humanité ? Le portrait de la Joconde en fait dire sur de Vinci plus qu'il en dit sur Mona Lisa. Nedjma en fait autant pour Yacine que pour l'énigme algérienne. Ainsi l'œuvre fait certes connaître son auteur mais s'éclipse vers la gloire au profit de son maître. Comme par magie et détours l'œuvre grandiose ne peut obscurcir l'identité talentueuse de celui qui fut son inventeur ou son géniteur. Les pyramides sont toujours là, la mosquée d'el hambara également. L'œuvre subsiste à son auteur et résiste à l'oubli tant qu'elle s'élève altière à travers les âges ou entre les pages s'agissant de chef d'œuvres. Saint Vidal est presque inconnu de tous et pourtant il fut l'auteur de Ain Fouara sculpture monumentale à la mesure de la ville qui elle demeure connue de tout un chacun qui aurait eu à traverser la cité depuis 1889 ou l'aurait reçue en carte postale. Le monument tenant lieu de cabinet rattaché à la wilaya, un petit mignon Taj-Mahal, se pérennisera et survivra à la disparition de son géniteur. Paradoxalement la culture politique peut entraîner, sans œuvre apparente ni talent matériel, des faits inoubliables et ancrés dans les mémoires humaines que même le temps est incapable de ne pas s'en souvenir. Les goulags, les tortures, Guernica etc.?en sont les preuves inexistantes de l'état culturel néfaste prévalant à chaque période nommée. Le nazisme était outre une légalité, un état de culture nationale qui emballée sous divers récipients en donnait la propagande du Reich. Chez nous la révolution agraire se voulait une culture populaire au sein même de la révolution culturelle. La masse laborieuse en était l'étendard et l'élite formait déjà l'élite. Nonobstant les tares des uns et les angoisses des autres ce fut quand bien même un temps où il faisait beau de parler culture. Le théâtre, le ciné-club, la cinémathèque, les récitals poétiques avaient eu lieu un certain moment, contrairement à nos jours où le théâtre n'existe que par la bâtisse qui abrite sa direction. De nos jours, chaque jour qui passe, voit passer avec, un passé vide et creux, sans ombre ni teint, fade et insipide. La toile d'araignée gagne les sièges des loggias et des balcons de nos enceintes culturelles. Alors pourquoi allais-je dire, construire tout ça, pour une seule année ? Toutes les salles continuent de perdre la raison de leur vocation. La politique se fait donc au cinéma, le monologue et la chanson au stade et le théâtre en plein air ! Dure culture ! Dure vie ! A Espionner ce qui se triture dans la cité, tout a l'air de confirmer qu'il n'y a pas chez nous de culture ou de politique culturelle sinon qu'une simple politique de culture, une stèle à la mémoire d'un artiste inaugurée par là ; une autre par-ci et ce sont tout. Ce qui nous manque à voir le tout, assis et rassasiés à Alger ; c'est une politique de la culture voire une politique dont l'essence culturelle l'emporterait profondément sur tous les autres sens pour finir d'avoir l'essence la plus apolitique. Quel est le taux de dépenses dans un ménage engagées dans la satisfaction des besoins culturels ? Comment pouvoir assurer le retour des familles aux cinémas et devant les scènes de théâtre ? Quel est l'ouvrage le plus lu dans le mois ou dans l'année et combien de livres nos citoyens dévorent-ils par an face au nombre à déterminer de baguettes mâchées puis avalées ? Je me rappelle feu Boumediene disait à l'occasion de l'ouverture de l'une des nombreuses foires du livre que « le livre doit égaler le pain » Boumediene soutenait le livre, sachant bien sa valeur et son rapport prix-investissement, il n'encourageait pas l'importation de bananes. L'édition est devenue plus perverse que ne l'est le créneau de l'import-export. Elle ne rougit point dans les recoins de la magouille et de la manipulation. Elle obéit évidemment à la loi du marché mais fait son marché en dehors de cette loi. L'on édite l'auteur et rarement l'œuvre. Les navets et le peu de best-sellers pullulent sur les étagères fréquemment fréquentées de quelques libraires, au moment où somnolent des merveilles dans les ténèbres des tiroirs de ceux à qui l'édition sans tracas est une autre œuvre difficile et impossible d'accomplir. Bonne chose est que tout le monde se met à écrire. Bonne œuvre est que tout le monde se doit de lire. Mais que chacun fasse dans son giron la mélasse qui anime ses tripes. Si le général écrivait sur l'armée, le postier sur sa poste et l'idéologue sur sa politique, le lectorat aurait la latitude d'apprécier à juste titre les écrits ès qualité. Mais tout baigne dans « el boulitique ». Encore que ; paradoxalement l'écriture n'est pas l'apanage d'une caste ni le monopole exclusif d'une union et encore moins d'individus que la conjoncture évidemment politique de ces derniers temps leur servait de tremplin vers la sphère des clubs ou des plateaux, qui par fonction, qui par rapport pouvoir-opposition. L'on a vu, et c'est loin d'être une tare, des médecins écrire de la poésie, des militaires faire dans l'histoire et des diplomates agir dans les contes d'enfant. La diversité culturelle, étant ainsi un patrimoine commun et non exclusif. Moi, ma muse du haut de Lella Setti, me taraude pour écrire, ce que les autres ont refusé de faire. Crier, gueuler, héler, péter ! Pour ne rien dire. Pour une certaine école de la pensée managériale, une fonction ne doit pas miroiter le profil d'un diplôme et c'est l'œuvre tout genre confondu qui devrait refléter la compétence et le mérite et attester authentiquement la véracité des mentions portées sur ledit diplôme. A-t-on des ministres auteurs de un, trois ou quatre ouvrages ou manuels dans des matières prévalant le domaine ministériel qu'ils gèrent ? Nos ministres, nos dirigeants et nos opposants ont rarement eu le temps de se consacrer à mouler leur réflexion, ou transcrire leur appréhension au cours de leur exercice du pouvoir. Rarement sont ceux qui le font une fois out le sérail. Que l'on ne vienne pas nous radoter une fois de plus le spectre de l'obligation de réserve ! Car, si par exemple le ministre de la Culture édite en son nom un opuscule sur « l'avenir de la poésie en Algérie » ou si M. Benaissa ministre de l'Agriculture le fait aussi sous le titre de « le FNDA : entre l'ivraie et la mauvaise graine» je ne pense pas que Bouteflika les savonnerait pour ça. Attendent-ils leur éviction pour le faire ? Ou le feraient-ils sous d'autres titres et pour d'autres sujets ? Enfin, nous attendons toujours de lire ce que pondront ceux qui les ont bien précédés. Au retour, à ma descente je me trouvais, silencieux et ébloui par les innombrables chantiers ouverts à ciel ouvert. De beaux palais, de belles résidences, un décor urbain impeccable. Je sentais que tout ce travail devait provenir d'une certaine énergie derrière laquelle devait exister un puissant moteur. La dynamique, de la bouche de tous les habitants, les cafetiers chez qui je m'abreuvais, les buralistes auprès de qui je me fournissais en journaux, à l'unisson me disaient que « tout ça est le travail du wali ». Alors une question me perforait l'esprit « où est le travail du ministre, s'agissant de culture ? » il ne devrait pas être chez un bureau d'étude, ou dans une entreprise de réalisation ou dans le gabarit de fer à béton de telle nervure ou tel poteau ? Le ministre s'occupe de culture, le wali d'infrastructures. Et là, j'ai compris maintenant de quoi ca retourne la culture chez une ministre, et comment se fait le culte d'un wali. Je me cherchais. En vain. Ma tête qui bouillonnait va s'éclater. Ne fais-je pas partie, moi et mes écrits-vains de cette réalité mirifique? T'es qu'un bout d'écrivaillon, et de seconde zone ! Du bled ! Ta place est dans une tirelire à étages. Entendis-je me dire, un son confus, et anonyme. De qui provient-il ? De la ministre ou du wali ? Il se peut qu'il soit le mien. |
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