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Gbagbo réalise un hold-up électoral

par Kharroubi Habib

Il n'a jamais été dans l'intention du président ivoirien Laurent Gbagbo de céder le pouvoir qu'il exerce dans son pays depuis une décennie. Il n'a consenti à organiser l'élection présidentielle que pour donner le change à la communauté internationale, mais en étant déterminé à conserver son pouvoir quelle que soit l'issue du scrutin. Ce qu'il vient de démontrer en volant la victoire à son rival Alassane Ouattara, sorti grand gagnant du duel électoral les ayant opposés.

 Désavoué par les urnes de la façon la plus régulière, Gbagbo s'accroche au pouvoir, quitte à ce que son pays renoue avec la guerre civile qui l'a ensanglanté durant une bonne partie des dix années de son règne, contestable à plus d'un titre. C'est malheureusement cette perspective que le putsch «blanc» réalisé par Gbagbo, aidé par un Conseil constitutionnel aux ordres et une hiérarchie militaire complice, ouvre pour la Côte d'Ivoire.

 Le président ivoirien sortant a renié l'engagement donné à son peuple et à la communauté internationale de respecter la sanction des urnes. Il l'a fait en prenant exemple sur le dénouement de situation à l'identique survenu dans d'autres Etats africains, où la communauté internationale a fini par accorder la prime du fait accompli aux vaincus du scrutin.

 Toute la question est de savoir donc si cette communauté internationale va faire preuve de la même complaisance à l'égard du fait accompli devant lequel Laurent Gbagbo vient de la mettre en Côte d'Ivoire. C'est ce sur quoi celui-ci et ses partisans ont tablé.

 Un tel scénario serait le mauvais service à rendre au peuple ivoirien et à l'Afrique dans son ensemble. L'élection présidentielle ivoirienne a trop focalisé l'espoir d'une alternance au pouvoir démocratique et pacifique ; aussi, la confiscation du pouvoir par laquelle elle s'est conclue ne fera qu'exacerber les rancoeurs du camp qu'elle a frustré et l'inciter à recourir à tous les moyens, y compris celui de la violence et des armes pour la combattre.

 En Côte d'Ivoire, tous les ingrédients qui concourent à l'embrasement de la reprise de la guerre civile sont réunis. La confusion autour des résultats du scrutin, l'antagonisme des deux rivaux et des forces politiques et sociales qui les soutiennent, l'ancrage des deux camps sur des bases ethniques et communautaristes en sont quelques-uns qui n'inspirent pas l'optimisme sur l'avenir immédiat en Côte d'Ivoire. Un pays qui fut à une période une vitrine et un modèle du continent africain, tant au plan économique que de celui de la gouvernance.

 Dans son cas, la communauté internationale sera comptable de ce qui pourra advenir de tragique. Elle a été trop laxiste à l'égard du comportement erratique de Laurent Gbagbo en tolérant qu'il agisse comme il l'a entendu. Aujourd'hui, Alassan Ouattara est dans son droit de se proclamer président légitime de son pays. Une élection dont la transparence et la régularité ne sont contestées que par Gbagbo et ses partisans. Seule cette vérité doit guider la réaction de la communauté internationale sur la crise ivoirienne.

 Tout autre compromis auquel elle se laisserait aller par les manœuvres du président sortant serait forfaiture et coup de poignard au camp de la démocratie en Afrique, déjà singulièrement affaibli par ses précédentes reculades face aux autres dictateurs africains, dont Laurent Gbagbo vient de renforcer la confrérie en se faisant l'auteur d'une cynique confiscation de pouvoir.