Il y a des moments où, à l'occasion d'une rencontre entre
copains, on souhaiterait refaire le monde ou à défaut se poser des questions
essentielles - pour ne pas dire existentielles - auxquelles l'on n'a pas,
d'habitude, une minute à consacrer. C'est que l'on a une vie à mener tout de
même et peu de temps à perdre avec ce genre de questions qui suffit à nos
rejetons quand ils passent le bac qui doit les mener à l'université d'où ils
doivent sortir chômeurs. Sauf que voilà ! Un jour, ce genre de questions
stupides, et dont on se demande nécessairement si elles ont une réponse, nous
saute à la figure. Et puis, mince ! C'est quoi le bonheur ? Vous le savez, vous
? A question simple, méthode simple. Faisons donc appel à notre compagnon de
toujours, tout du moins depuis que nous avons appris à lire et à écrire: le
dictionnaire. Le bonheur viendrait de bon et de heur, le présage. Malheur étant
son contraire. Jusque-là, tout va bien. C'est clair. La première définition du
bonheur est la suivante: «Circonstance favorable qui amène le succès, la
réussite d'une action, d'une entreprise, etc.» Exemple: nous avons eu le
bonheur de trouver le soleil dès notre arrivée à... Toujours sur notre faim,
nous passons à la définition suivante: «Etat de pleine et entière
satisfaction». Exemple: quel bonheur de vous retrouver en excellente santé ! Nous
aussi on est content mais cela ne fait pas avancer la cabessa. Du coup, on ne
peut pas dire que c'est «la pleine satisfaction» qui nous envahit ! Troisième
définition: «Au petit bonheur, au hasard, n'importe comment». Quoi ? Qu'est-ce
que cela veut dire ? «Au hasard, n'importe comment» ? Cela veut-il dire qu'il
va nous tomber dessus par hasard ? Ah bah, depuis le temps que l'on attend, il
ferait bien de se dépêcher... Quatrième définition: oualou ! Nous voilà bien
avancés ! La vie, cependant, nous enseigne que le bonheur n'est pas si durable
et on n'atteint pas si facilement la plénitude. Quant à la satisfaction, on n'a
qu'à regarder autour de soi et d'entendre les propos de nos prochains pour voir
combien il y a d'insatisfaits et de mécontents. Est-ce à dire qu'ils ne sont
jamais heureux ? Quand on n'a besoin que de peu de chose, un rien suffit, et
quand un rien suffit, on n'a pas besoin de grand-chose. Le grand obstacle au
bonheur, c'est de s'attendre à un trop grand bonheur. Rêvons donc avec
modération et arrêtons de vouloir construire le bonheur selon les messages
publicitaires, jusqu'à se retrouver dans la mélasse?