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Human Rights Watch fait monter la pression sur Rabat

par Kharroubi Habib

Autorisée à enquêter sur place après avoir essuyé deux refus de la part des autorités marocaines, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a rendu public un rapport accablant sur les sévices et brutalités infligés par les forces du Makhzen aux personnes arrêtées après le démantèlement, le 8 novembre, du camp de Gdeim Izik, près d'El-Ayoun, au Sahara Occidental.

 Un constat qui lui a fait emboîter le pas au Parlement européen dans l'exigence de l'ouverture d'une enquête indépendante sur ces violences. Le rapport d'Human Rights Watch confirme par ses conclusions que le Parlement européen a été dans la vérité en votant sa résolution exprimant sa préoccupation face à la répression qui s'est abattue sur la population sahraouie et son regret au sujet des atteintes à la liberté de la presse et de l'information auxquelles ont été exposés de nombreux journalistes européens.

 Tout comme il renseigne sur l'inanité de l'accusation des autorités marocaines ayant voulu présenter la résolution du Parlement européen comme «étant partiale, injuste, non objective et précipitée», et de leur condamnation du Parti populaire espagnol (PPE) pour avoir été à l'origine, par sentiment antimarocain, de cette résolution.

 Reculant devant le ridicule de s'en prendre avec le même argument à l'ONG HRW que celui employé contre le Parti populaire espagnol, le Roi et le Makhzen ont fait dans la tentative de diversion sur sa demande d'enquête indépendante en remplaçant Mohamed Jelmouss, gouverneur de la province d'El-Ayoun.

 Bien que cette décision ait été présentée comme «intervenant dans le cadre d'un vaste mouvement concernant toute l'administration territoriale», elle a été prise par le souverain marocain en tant que subterfuge destiné à évacuer la demande d'ouverture d'une enquête indépendante formulée par le Parlement européen, l'ONG Human Rights Watch et d'autres, et à dédouaner le Trône de la responsabilité de la violente répression menée à El-Ayoun et ses environs.

 Ce changement opéré à la tête de l'administration occupante d'El-Ayoun ne fera ni retomber l'indignation internationale suscitée par les brutalités des forces répressives marocaines, ni faire renoncer les défenseurs des droits de l'homme à l'exigence d'une enquête indépendante.

 Le Parlement européen, Human Rights Watch et les autres ONG qui ont posé cette exigence ne sont pas sous influence des autorités françaises, dont l'opposition a empêché le Conseil de sécurité de l'ONU de joindre sa voix à celles qui ont condamné le comportement marocain. Ils ne relâcheront pas par conséquent leur pression sur le Trône et le Makhzen.

 Autant dire que le Royaume est et restera au ban des accusés tant qu'il n'aura pas satisfait à leur demande d'enquête. Ceux qui l'y ont traîné ne sont pas dupes de sa présentation par le Makhzen en tant que «pays engagé dans un processus de démocratisation et respectueux des droits de l'homme». Encore moins de la menace à peine voilée faisant entendre que leurs pressions font planer «un danger sur la stabilité dans la zone euro-méditerranéenne».

 Les accusations proférées par Rabat, les mesures dilatoires auxquelles le Trône a recours pour noyer le fond du problème mettent en évidence le désarroi marocain face à la détérioration flagrante de l'image du pays au sein de la communauté internationale.

 Pour avoir trop présumé du capital sympathie dont son régime a bénéficié, Mohammed VI a commis l'erreur de croire qu'il pouvait indéfiniment attenter aux droits de l'homme au Sahara Occidental sans provoquer de notables remous d'indignation dans l'opinion internationale. Ceux-là sont maintenant tels que tous les pare-feux que le Makhzen va utiliser seront vains.