L'IDRH a reçu,
jeudi dernier dans l'après-midi, un jeune chercheur algérien installé à Paris
pour les besoins d'un doctorat d'Etat en économie. Il s'agit de Mahdi Senouci.
En présentant son hôte, Mohamed Bahloul, directeur de l'IDRH, a insisté surtout
sur le thème de recherches de ce jeune chercheur qui est d'une brûlante
actualité: le dollar américain et ses relations avec le prix du pétrole. Un
sujet qui concerne directement l'Algérie, puisque ses exportations des
hydrocarbures sont libellées en dollar américain, ajoutera-t-il. Dans son
exposé émaillé de formules mathématiques et de graphes, ce qui a nécessité un
grand déploiement d'efforts de la part de l'assistance pour l'intelligibilité
du propos, Senouci a eu l'avantage de revenir sur certaines notions qui ont une
histoire parce que témoins de grands conflits d'intérêts au niveau mondial,
mais jamais évoquées dans les débats universitaires ou médiatiques chez nous:
la notion de «Privilège exorbitant». Le conférencier a rappelé que cette notion
remonte à la première conférence financière internationale tenue en juillet
1944 à Bretton Woods aux USA, qui a mis en place les règles du système
financier monétaire international. Autrement dit, cette rencontre a consacré
dans les faits la domination US, puisque ce pays est sorti le grand vainqueur
de la Première Guerre mondiale. Cette domination va se matérialiser en
instituant la parité de toutes les monnaies du reste du monde par rapport au
dollar et l'or. Ainsi, la monnaie américaine devient, suite à Bretton Woods, la
monnaie de tous les échanges commerciaux au niveau international. Mahdi Senouci
rappellera que Giscard d'Estaing est le premier, en tant que politique, à avoir
remis en cause, au début des années 60 du siècle dernier, cette domination
américaine. En 1965, le Général de Gaulle, connu pour son antiaméricanisme, a
lui aussi essayé de remettre en question l'hégémonie du dollar américain sur le
plan international. Mahdi Senouci a juste effleuré le coup de force de Richard
Nixon en 1971, quand les USA étaient embourbées dans la guerre du Vietnam et
avaient des difficultés de financement de leur engagement au sud-est asiatique.
Le coup de force a consisté à faire sauter la convertibilité du dollar par
rapport à l'or. Autrement dit, la Banque centrale américaine pouvait tirer à
souhait le billet vert sans tenir compte de ses réserves en or, obligation
imposée aux autres banques centrales du reste du monde. La deuxième notion
développée dans l'exposé de Mahdi Senouci est celle de «périphérie dominante».
Le rôle assumé par celle-ci est de financer le déficit du système financier
américain. Ce financement a pris, entre autres, la forme d'achat des bons de
Trésor américain par les autres pays, puisque le dollar est la valeur refuge. Ce
rôle de financier du déficit américain a été assumé par l'économie japonaise
durant une période avant «d'incomber» aux pays arabes pétroliers. A l'aide de
graphes, l'intervenant a montré la concomitance entre la croissance des surplus
des recettes pétrolières des pays exportateurs du pétrole et
l'approfondissement du déficit US. Ce qui l'a autorisé à avancer que «le prix
du pétrole a guidé l'ajustement international». Il a souligné que «la
dépréciation» de la monnaie américaine, par le recours notamment à la planche à
billets, se traduit par un transfert des richesses vers les Etats-Unis. Au
cours de son exposé, Senouci a, chiffres à l'appui, remis en cause le mythe
connu sous l'appellation du «choc pétrolier» suite à la guerre du Kippour.
«Entre 1970 et 1977, les importations américaines du pétrole (arabe notamment)
ont augmenté de 27,3% par an». Aussi, dans ses prévisions en tant que
chercheur, il n'a pas écarté la possibilité d'un nouveau boom pétrolier dans un
proche avenir. Par boom, il entend une augmentation sensible de la demande
américaine, notamment.
Les débats qui ont suivi l'exposé de l'hôte
de l'IDRH ont tourné autour de la pérennité ou non de la domination du dollar.
Remarquons que cette question est d'une brûlante actualité. Pour preuve, au courant
de cette semaine, la Chine, désormais deuxième économie mondiale, et la Russie,
qui caresse le rêve de reconquérir son statut de puissance militaire, ont
décidé de libeller leurs échanges commerciaux dans les monnaies de leurs pays
respectifs.