Le public qui a
assisté, samedi dernier à l'IDRH, à la rencontre autour de l'œuvre de Malek
Alloula a eu comme l'impression d'assister à la réparation d'une injustice, en
l'occurrence cela a consisté à réhabiliter l'œuvre de cet écrivain oranais,
hélas à ce jour encore méconnu dans sa propre ville. L'idée même d'organiser
cette rencontre s'est faite à l'occasion de la réédition de l'intégralité de
l'œuvre de ce poète oranais par les éditions Barzakh, à Alger. Ont donc pris
part à cette rencontre, en plus du principal intéressé, à savoir Malek Alloula,
le directeur de l'IDRH, Mohamed Bahloul, ainsi le directeur des éditions
Barzakh, Sofiane Benhadjaj. A la fois écrivain, poète, nouvelliste et
essayiste, Malek Alloula s'est longuement penché sur son parcours, commençant
par nous raconter son enfance à Aïn El Berd, en pleine «paysannerie», lieu où
d'ailleurs, il a contracté «la fibre paysanne» qui a forgé sa sensibilité. A ce
propos, afin de nous prouver qu'il revendique pleinement ses racines, il n'a
pas manqué de tonner en pleine conférence, et en version dialectale qui plus
est : «ana aroubi !»?et fier de l'être, a-t-il ajouté avec humour. C'est donc
dans un milieu tout à fait coupé de la culture citadine que s'est déroulé
l'enfance de Malek. Ce n'est que lors de l'adolescence qu'il s'installe, lui
ainsi que toute sa famille, à Oran, plus précisément à M'din-Jdida. En 1956, à
la suite de la grève des étudiants algériens, il participe avec son frère à
cette action. Et il fallait attendre le recouvrement de l'indépendance de
l'Algérie pour qu'il s'essaye enfin dans l'art de l'écriture. A cette époque,
il faisait des piges pour le journal l'Echo d'Oran. Le président Ben Bella, à
l'occasion d'une tournée nationale, se trouvait à Oran en compagnie du
président malien Sekou Touré. Au cours de son intervention, le président
algérien a annoncé la nationalisation des salles de cinéma, ainsi que
l'interdiction sur l'ensemble du territoire algérien l'exercice du métier de
cireur. D'où l'idée pour Malek Alloula d'écrire son premier poème, intitulé : «Petit
cireur mon frère». Quelques semaines après, à la suite de sa rencontre avec
Bachir Hadj Ali, qui se trouvait à Oran pour une vente-dédicace, il réussit à
se faire une petite place à Alger Républicain, «je me suis alors senti investi
d'une mission poétique», dit-il, non sans humour. Par ailleurs, durant son
intervention, il n'a pas oublié de parler de son frère, le dramaturge
Abdelkader Alloula. Il faut savoir qu'entre les deux frères, il n'y a qu'à
peine vingt mois de différence d'âge. «Ce n'était pas seulement de la
fraternité entre nous, c'était presque de la gémellité. J'étais son aîné de
quelques mois à peine. Généralement, dans les familles, c'est le cadet qui est
extraverti, et l'aîné l'introverti, ça a été le cas pour nous !». N'appartenant
pas tout à fait à la même «obédience» politique, leur lecture, ipso facto,
divergeait quelque peu. Cela dit, Malek Alloula a de tout temps reconnu en son
frère un grand homme de culture, capable «d'ingurgiter» des livres à profusion.
La conférence donnée samedi dernier a été donc axée sur trois points :
l'écriture, la ville d'Oran, ainsi que Abdelkader. Sofiane Benhadjaj a précisé
quant à lui que Malek Alloula n'a jamais été complètement méconnu en Algérie,
puisque ses textes étaient disponibles, durant les années 80 aux éditions
Sindbad, à un temps où le livre coûtait à peine 40DA. »Une autre époque!»
n'a-t-il pas manqué d'ajouter avec regret. Aujourd'hui, pour ceux qui sont
intéressés de découvrir, ou de redécouvrir l'oeuvre de Malek Alloula, il est à
savoir que bons nombres de ses textes sont disponibles sur les étals, aux
éditions Barzakh: «Villes et autres lieux» (poèmes); «Rêveurs/sépulture et
mesure du vent» (poèmes); «Le cri de Tarzan, la nuit dans un village oranais»
(nouvelles).