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THEATRE D'OMBRES

par K. Selim

Comme prévu, la réunion de Séoul du G20 a abouti à un accord purement formel destiné à sauver des apparences malmenées par les divergences de vues.

 En dépit des déclarations optimistes de certains experts, les conséquences de la crise financière de 2007-2008 continuent d'être durement ressenties par nombre d'économies de la planète. La mollesse de la reprise nourrit des tensions et exacerbe naturellement la concurrence mondiale en creusant les déficits des comptes courants de nombreux pays, qui voient dans l'excédent chinois la cause de leurs difficultés.

 Les médias occidentaux, qui entonnaient d'une seule voix, à la suite des gourous américains de la finance, l'antienne de la sous-évaluation de la monnaie chinoise rendue responsable de tous les maux de la planète, ont dû revoir rapidement leurs partitions.

 La décision de la Maison-Blanche d'injecter 600 milliards de dollars de liquidités dans l'économie américaine a rendu l'argumentaire plutôt difficile à faire admettre. La guerre monétaire est apparue au grand jour cet automne, lorsque plusieurs pays, Etats-Unis, Brésil, Corée du Sud, Thaïlande?, ont dévalué leur monnaie nationale pour tenter d'améliorer la compétitivité de leurs exportations nationales et attirer également des investissements. Les méthodes utilisées varient : intervention directe sur le marché monétaire ou manipulation du taux de change par l'injection d'argent liquide, mais l'objectif est le même. Ainsi, la décision de la Réserve fédérale des Etats-Unis de racheter 600 milliards de dollars d'obligations d'Etat en huit mois signifie en fait le recours à la planche à billets.

 La guerre des monnaies n'est donc pas, à l'évidence, le seul fait de Pékin mais est un sport pratiqué par de nombreux acteurs.

 Le désordre monétaire sur lequel se focalisent les médias occidentaux, avec force considérations «techniques», n'est pourtant que le résultat du refus entêté des grandes puissances à instaurer un minimum de régulation internationale et de l'obstination américaine à conserver le statu quo.

 Washington, qui en tire un bénéfice incommensurable, est rétif à toute remise en question du rôle de monnaie de réserve mondiale du dollar. Les alliés européens, divisés et sans substance politique, ont beau faire savoir que la baisse du dollar porte un préjudice direct à l'euro et donc à la reprise économique dans leur région, les Américains font la sourde oreille et pointent un doigt accusateur vers Pékin. Certes, le G20 s'est mis d'accord pour éviter les dévaluations compétitives, mais sans envisager une coordination, même minimale, des politiques monétaires.

 Sans doute pour compenser un affichage peu flatteur, il a été décidé à Séoul de réaménager un tant soit peu les rôles au sein des institutions financières multilatérales. La représentativité des pays émergents est améliorée au sein du Conseil des directeurs du FMI, sans modifier les rapports de force actuels. La concession est bien maigre et, s'ils peuvent espérer bénéficier plus aisément des facilités du FMI, les pays émergents ne renforcent pas leur poids, déjà fort relatif au sein des instances du système économique mondial.

 Le G20 est un théâtre d'ombres, dont la seule utilité réelle est de servir de plateforme de communication à des leaders politiques.