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Ouyahia en ses œuvres

par Kharroubi Habib

Ahmed Ouyahia a expédié en une heure et demie seulement ses réponses aux questions et interpellations qui lui ont été adressées par les députés au sujet de la déclaration de politique générale du gouvernement. La brièveté du Premier ministre mérite d'être soulignée, car elle tranche avec l'habitude instaurée par lui dans le passé de consacrer un horaire fleuve aux séances de réponses à la représentation parlementaire. Cette particularité soulignée à propos de son intervention de dimanche, Ouyahia a été égal à lui-même, c'est-à-dire droit dans ses bottes pour récuser tout ce qui, dans les questions des députés, a ressemblé à des critiques contre la politique et l'action de l'exécutif. Arrogant et sarcastique à l'égard de l'opposition qui a «osé» s'exprimer pour contester la justesse de la gouvernance du pays. Aux députés qui ont soulevé des problèmes d'insuffisance dans l'action de l'exécutif, il a répliqué lapidairement en leur opposant des chiffres et des statistiques censés démontrer qu'ils ont été dans l'erreur d'appréciation. Aux opposants déclarés de la politique gouvernementale, il a répondu avec la férocité dont il est coutumier dans ce genre d'exercice, bien qu'il ait assené à l'entame de son intervention que «le temps de la violence verbale est terminé».

 Pour l'essentiel toutefois, Ahmed Ouyahia s'est cantonné, comme prévu, au champ économique, éludant les questions appelant des réponses politiques. La seule incursion d'ordre politique à laquelle il s'est laissé aller, fut celle de s'en prendre à la représentation du RCD, à laquelle il a rétorqué en déclarant : «Je ne m'étonne pas qu'ils se soient trompés de pays après s'être trompés de peuple».

 Cette pique polémique mise à part, Ouyahia s'est évertué pour le reste à faire l'apologie sans nuance du bilan de l'exécutif et à affirmer que le pays se porte bien grâce à la clairvoyance et à la justesse de la politique mise en œuvre sous l'autorité du président Bouteflika, au point, selon lui, que «la confiance du peuple à l'égard de l'Etat et de ses dirigeants est réelle et rétablie».

 D'Ouyahia, l'on ne pouvait attendre une autre estimation de l'état des lieux de la maison Algérie, et certainement pas la prise en compte des analyses qui établissent un diagnostic moins reluisant que le sien. Pourtant, plus de dix années après que lui-même eut fixé deux milliards de dollars au moins d'exportation pour objectif à l'économie nationale hors hydrocarbures, l'Algérie en est toujours incapable. Preuve s'il en est que la politique de développement pratiquée par l'exécutif gouvernemental est quelque part en panne. Cette réalité, Ouyahia l'occulte en la camouflant par la mise en avant des réalisations socioéconomiques que la manne pétrolière a rendu possibles. Il n'y a que lui à être aussi imperturbable dans la conviction que des changements positifs sont possibles et à venir en maintenant le cap de la politique gouvernementale. Ce qui explique en grande partie sa pérennité dans la sphère dirigeante du pays.

 Si, comme Ouyahia l'a affirmé, «l'on n'a pas le droit, au nom de surenchères, de voler le rêve des jeunes de ce pays en discours défaitistes et de suspicions», l'on n'a pas également celui de travestir et d'enjoliver la réalité nationale à ces mêmes jeunes.