C'est une simple histoire de cartable qui mobilise
l'attention des plus hauts responsables du ministère de l'Education. C'est une
attention bien normale, sinon impérative. Pourquoi ? Parce que les jeunes
écoliers d'aujourd'hui, du haut de leurs six années, sont devenus des ?'homes
d'airain». Quatre fois par jour, ils doivent se rendre à leur école, parfois
distante de plusieurs kilomètres, ployés sous le poids de leur cartable. Le
poids des cartables d'aujourd'hui peut atteindre jusqu'à 6 kilogrammes : un
nombre incroyable de cahiers, de livres, crayons et tutti quanti. A chaque
cours, les écoliers doivent emmener avec eux tout leur attirail scolaire. Pour
deux heures de cours, avec au programme une seule matière, ils doivent quand
même, comme des forçats, porter leur cartable. Qu'il pleuve, qu'il vente ou
qu'ils ne peuvent supporter une telle charge, et bien souvent, ils n'ont pas le
temps de déjeuner. Quelle tristesse entoure les allées et venues de nos enfants
vers leur école! A la limite, c'est devenue une dramatique punition que de les
envoyer à l'école, lestés comme s'ils allaient faire une plongée en eaux
profondes, celles de la misérable condition de notre système éducatif. Certes,
au ministère, on s'est aperçu, trop tard, de l'absurdité de cette situation.
Et, derechef, des ordres, plutôt des conseils sont donnés aux chefs
d'établissement pour qu'ils apprécient eux-mêmes la situation. Pour que la
décision revienne à chaque chef d'établissement d'alléger le cartable ou de le
maintenir avec son lest, c'est-à-dire de soulager ou pas les souffrances de
dizaines de milliers d'enfants de six et sept ans, une année durant. A la
limite, sous d'autres cieux, cela aurait pu être assimilé à de l'esclavage
d'enfants. A une exploitation instrumentalisée et réglementée des enfants
scolarisés. Ce n'est point une vue de l'esprit, ni de la science-fiction,
encore moins un paysage pour films d'animation : il suffit juste d'aller devant
ces milliers d'écoles primaires du pays pour voir ces enfants rappliquer le dos
courbé sous le poids de leurs articles scolaires. N'aurait-il pas été plus
facile, plus direct de donner injonction, par note écrite, aux directeurs
d'établissements d'intervenir pour que les élèves n'apportent que les articles
scolaires dont ils ont besoin pour leurs cours ? Ah ! qu'il était bon le temps
où jadis on allait à l'école avec un cartable seulement rempli de deux cahiers,
du livre de classe, d'un plumier, d'une plume et de stylos. Il était autant
léger qu'il avait du poids pour nous : il renfermait nos trésors d'enfants, nos
caprices d'écoliers également. En ces temps-là, il n'y avait pas de surcharge
ni dans le cartable, ni dans nos programmes scolaires, ni dans nos têtes. Rien,
seulement le doux chemin de l'école et des milliards de belles sensations que
cela nous procurait de porter fièrement nos cartables. Il est vrai que les
temps changent, les mentalités aussi. Mais les écoliers, eux, doivent être
libérés, pour qu'ils restent des écoliers, des enfants qui aiment autant aller
à l'école que d'aller jouer.