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On lui avait rendu visite en octobre 2006,
c'est un jour de Ramadhan, elle avait 106 ans. Trois années, jour pour jour, se
sont écoulées et elle n'a presque pas changé.
Elle a toujours cet esprit alerte et un cœur d'acier. Ce dimanche 03 octobre 2010, on est retourné chez cette femme centenaire qui habite toujours chez son fils cadet Bouziane, à Sidi-Safi, plus précisément à la cité «08 Mai 45». C'est lui qui m'a fait entrer et c'est elle qui m'a accueilli dans une pièce servant de salon. Il était environ 14 heures. Incroyable mais vrai, c'est une femme encore en bonne forme que je revois. Alors que je venais de m'installer sur une sorte de divan, et à peine avoir révélé mon identité, qu'elle me lance :»J'ai connu ton père, ta mère, ton grand-père, ta grand-mère?» (Mon père, s'il était encore en vie, il devrait avoir aujourd'hui 97 ans, mon grand-père est mort en 1924). On s'échangea quelques noms et chroniques, que j'enchaîne sur l'incontournable question: «Quel âge a-tu yamâ? », lui dis-je. Elle répond sans façon : «miâ ouâ tsâa (veut dire 109 ans)». Croire ou ne pas croire, cette créature humaine est bien encore en bonne forme. Notre étonnement ou plutôt notre admiration s'affichait à chaque question, toute instantanée et surtout toute mesurée. Khalti Mama, c'est d'elle qu'il s'agit, a montré une clairvoyance et une lucidité incomparables à cet âge. Ce qui étonne chez elle, qu'elle garde encore de bonnes ouïes et un esprit clair. Bouziane me murmure à l'oreille: «Ce Ramadhan, comme tous les autres, elle n'a pas raté une prière de «Taraouih» à la mosquée du quartier. Plus encore, elle se tient debout durant toute la prière (environ une heure). L'association religieuse de la mosquée a pensé à l'honorer parmi les fidèles qui ont accompli un sans absence. La bonne femme s'appelle Mama SAIDANI née CHIKH, elle vient d'avoir ses 109 ans. Pour avoir le cœur net, on a demandé à son fils Bouziane de nous montrer le livret de famille. Et à la deuxième page, on peut lire : Acte n°94 au nom de CHIKH Mama épouse SAIDANI, née le 20 septembre 1901 à 09 heures dans la commune de Béni-Saf. Elle nous montra même sa carte d'identité nationale. Elle précisera même qu'elle avait vu le jour près de Sidi-Mehdi, un hameau situé à 10 km à l'ouest de Béni-Saf. Sur cette même page, on peut encore lire : fille de Si Abdelkader Ould Si El-Mehdi et de NOUIA Messaouda bent M'Barek. Khalti Mama ajoutera que son père et son grand-père étaient tous deux des tolbas (pluriel de taleb, homme qui apprend par cœur tout le contenu du Saint Coran). On ira même lundi matin, à la mairie de Béni-Saf, pour confirmer toutes ces écritures sur une matrice de l'état civil. Quand ses petits-enfants ne sont pas à la maison, c'est elle qui va chez l'épicier du coin pour acheter ce qui manque à la maison. Son fils Bouziane nous dit qu'à chaque fois que je lui dis qu'il revient aux enfants de faire des commissions, elle lui répond: «Comment tu me vois, vieille ?» Depuis près d'un siècle, elle a toujours habité Sidi-Safi, 08 km à l'Ouest de Béni-saf. Depuis cette année de 2006, Khalti Mama est, disons, sortie de l'anonymat (allusion aux générations montantes), tout le monde la connaît aujourd'hui à Sidi-Safi, son âge surtout, et chaque fois qu'elle est croisée dans la rue, chaque fois, la stupéfaction est plus grande. Si l'on vient à décrire brièvement Khalti Mama, c'est une femme petite de taille et très mince, ses yeux semblent un peu perdre de leur acuité, mais son visage, au vu de son âge, semble moins ridé, ses oreilles et son esprit qui sont d'une telle lucidité à faire rougir un octogénaire ou sexagénaire. Khalti n'a certes plus ses dents mais elle n'a pas eu trop de problèmes de santé dans sa vie, ni aujourd'hui encore. De ses secrets alimentaires, elle dit ne manger le plus naturellement du monde depuis durant tout ce siècle avec beaucoup de légumes et du couscous au lait naturel. On raconte que Khalti Mama a un cœur gros comme ça, qu'elle a toujours su garder le sourire au visage, qu'elle ne se mêlait pas trop dans les affaires des autres. Ce qui lui a donné une vie moins mouvementée donc moins stressée. A Sidi-Safi, on lui accorde le titre de sage-femme du village. Durant plusieurs décennies, et avec des mains magiques, Khalti Mama était venue en aide à des centaines de femmes lors de leur accouchement. «Un don divin», dira Bouziane. Quant à Khalti Mama, elle a eu 06 enfants dont 04 sont toujours en vie qui donnèrent 25 petits-enfants. Quand je lui fais évoquer la révolution algérienne (en novembre 54, elle avait 53 ans), elle me dit se rappeler comme si c'était hier. Elle citera quelques noms de héros de la région, comme Miloud ?'Rabaj», de son vrai nom Bensafi Miloud. (Rabaj veut dire ravage, colère exprimée par les soldats français quand Miloud et ses compagnons avaient fait des dégâts). Les défaits disaient souvent: «Miloud a encore fait des ravages». Elle citera aussi les frères Bendaoud, les frères Bentata, Djelloul, le frère de Miloud, Boukraa, Bensalah? Elle raconta qu'elle préparait souvent des galettes et du pain à ces combattants. Elle se rappelle aussi de l'encerclement du douar par l'armée coloniale qui, à la recherche de djounouds, a imposé aux habitants un état de siège qui a duré une semaine. Et en plus des prières exceptionnelles, Khalti Mama a aussi toujours observé les jeûnes exceptionnels comme celui d'après-Ramadhan ou ?'Sabrâa» (06 jours de Chaouel). Khalti Mama prétend aussi qu'elle n'a jamais failli à son devoir de citoyenneté comme l'acte du vote. Elle nous a avoué que son rêve reste un voyage aux Lieux Saints. L'entretien ne pouvait trop durer (près d'une heure) de peur de fatiguer notre doyenne ou de lui casser sa sieste, si sieste avait habitude de se faire. On lui fit nos adieux, lui promettant de revenir le jour de ses 110 ans (Inchâ Allah). Pour être plus complet dans cette histoire de séniors, cette localité de Sidi-Safi compte parmi sa population encore un homme presque centenaire. Il s'appelle Bensafi Baghdadi ould Benmoussa, il a exactement 98 ans et 8 mois. Aujourd'hui, cet homme fait toujours des apparitions dans le village, notamment pour aller à la mosquée ou au marché ambulant du village. Qu'Allah le Tout-Puissant prolonge la vie à tous ces providentiels. |
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