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«Les choses sont engagées». Le ministre algérien des Finances,
Karim Djoudi, a répondu avec une extrême concision à une question de la radio
algérienne sur le rachat de Djezzy par l'Etat algérien. Auparavant, le patron
d'Orascom Telecom Holding (OTH), Naguib Sawiris, rompant avec une certaine
retenue, a affirmé être «puni» par les autorités algériennes pour le succès de
Djezzy, suscitant des commentaires peu amènes dans certains journaux algériens.
Omar Berkouk, expert financier, évoque pour Maghreb Emergent le dossier Djezzy et
les scénarios de solution.
Concrètement, les négociations ne sont pas encore «engagées». L'Algérie a exprimé sa volonté d'exercer son droit de préemption sur la vente d'OTA-Djezzy et des échanges ont eu lieu entre les deux parties. Sans plus. Le gouvernement algérien, contrairement à l'opérateur égyptien, ne semble guère pressé. Pour l'expert financier algérien, Omar Berkouk, les choses sont parties pour durer. Il évoque une situation de blocage liée à «l'absence de bonnes justifications économiques» pour acheter du côté algérien et à «des maladresses» du côté des dirigeants d'OTH. Pour l'expert, les autorités algériennes se sont positionnées de fait et de droit comme unique acheteur de Djezzy sans avoir réfléchi de «manière approfondie ce que confère cette position en matière de responsabilités économique, financière et juridique». Une réflexion approfondie aurait consisté, selon lui, à examiner la question de la survie de l'entreprise, le coût de l'opération et de la gestion d'un conflit potentiel. La démarche des autorités algériennes a été dictée par des «raisons accessoires et épidermiques» liées au précédent de la cession d'Orascom Cement à Lafarge, aux différends contractuels, administratifs et fiscaux d'OTA et les effets du match de football Algérie-Egypte. Ces aspects masquent, selon lui, la «fausse bonne raison» qui consiste dans la «volonté «d'algérianiser» et non pas «nationaliser», les dividendes d'OTA. Pour Omar Berkouk, la motivation fondamentale des autorités algériennes est liée au contexte de la crise économique et financière avec une baisse du baril de pétrole à 32 dollars en 2009. Les mesures prises dans la LFC 2009 pour protéger la balance des paiements ont été la réponse du gouvernement avec des «conséquences dramatiques en matière de flux d'investissements étrangers et de commerce extérieur». Les maladresses d'Orascom Telecom Dans ce contexte, l'importance du dividende d'OTA et son rapatriement sont les raisons essentielles de la démarche des autorités algériennes. «Des conditions économiques et financières conjoncturelles leur ont dicté des décisions aux conséquences structurelles vitales. Ils n'ont pas planifié l'achat de DJEZZY mais ils ont mesuré les conséquences sur la balance des paiements s'ils ne le faisaient pas !». Pour Omar Berkouk, le souci de réduire «immédiatement l'impact des transferts de dividendes ne peut pas constituer une base sérieuse de politique d'investissements industriels. Il finira par avoir un effet contraire». La direction d'Orascom Telecom est-elle fondée à jouer, ainsi que le fait Naguib Sawiris sur le mode «on est puni pour notre réussite». Pour l'expert financier algérien, la «Direction d'Orascom (OTH ? OTA) a commis son lot de maladresses en agissant comme si le contexte algérien n'était pas singulier dans son rapport au Business International et sa grande susceptibilité nationale. Les autorités algériennes finissent, il est vrai, toujours par satisfaire à leurs obligations internationales mais croire qu'elles céderont facilement par peur d'un conflit de quelque nature que se soit est une grave erreur d'appréciation !». Les autorités algériennes, estime-t-il, «ont besoin qu'on leur dise que l'on a compris leur légitime souci d'équilibre, économique et financier, même si l on croit que le Droit n'est pas de leur côté». Que comporte ce dossier comme risque pour l'Algérie ? Un risque d'image et de réputation en matière de respect du droit international et des conventions signées, selon l'expert. «Le droit de préemption dont se prévaut l'Algérie en toute souveraineté peut être contesté pour son application rétroactive dans cette affaire. Les chancelleries et les investisseurs étrangers observent attentivement le déroulement de ce dossier». Il estime qu'une tournure négative aura des «conséquences néfastes sur les décisions futures d'investissements directs en Algérie». Que faire de Djezzy est plus important que son prix Pour Omar Berkouk, la gestion de la «reprise» de Djezzy et son développement «est une question de stratégie industrielle à laquelle le gouvernement algérien doit préalablement apporter une réponse avant d'en fixer le prix !». Un retour au semi-monopole public dans les télécoms, avec Mobils et? Djezzy «sera dommageable au consommateur algérien et un très mauvais signal en matière d'ouverture économique. Cette option témoignerait d'un retour à l'économie des années 70». L'Algérie a dans ce dossier l'obligation de déterminer un prix d'achat et une stratégie opérationnelle de continuité de l'entreprise. «Le prix que voudront payer les autorités algériennes sera égal à la valeur objective, moins les éléments de pressions relatives aux menaces de non-renouvellement de la licence, difficultés de transfert des dividendes?». En termes simples, si «OTA a une valeur transactionnelle de 7 à 8 MDS d'USD, les Algériens proposeront 2 à 3MDS. Il s'agira d'un «Deal Breaker» (une raison de ne pas conclure une affaire, ndlr) qui leur permettra de gagner «du temps jusqu'à ce qu'ils trouvent la réponse à la question essentielle : acheter Djezzy pour en faire quoi ?». Pour Omar Berkouk, les grands opérateurs européens (France Telecom, Vivendi, Telefonica?.) «regardent l'Algérie avec beaucoup d'intérêt mais ne souhaitent pas s'engager dans le cadre de la nouvelle loi sur les investissements étrangers prévoyant une répartition du capital 51/49%». Il considère qu'une solution algéro-algérienne associant l'Etat et des intérêts privés nationaux comporte de «gros risques de réalisation». Le gouvernement algérien qui s'est proposé d'acheter Djezzy pour de «mauvaises raisons» prendra «tout le temps nécessaire, son agenda est différent de celui d'OTH». Quel choix pour Sawiris ? Que reste-il comme option au groupe de Sawiris dans une telle situation ? La première serait d'accepter le prix proposé par l'Algérie pour «en finir au plus vite et en subir les conséquences sur la valorisation en Bourse d'OTH». La seconde option serait d'engager une action médiatique et légale qui «peut s'avérer gagnante à terme». Une troisième option consiste à associer l'Etat algérien «à la plus value réalisée. Mais cela ne règle pas la question du transfert des dividendes si l'acheteur est étranger». Une autre option pourrait consister à céder 51% d'OTA à l'Etat algérien avec une «valorisation acceptable pour le vendeur». Selon lui, cette solution a deux aspects positifs : elle réduit l'impact du transfert du dividende sur la balance des paiements et ne modifie pas l'opérateur de la société, évitant ainsi une rupture de gestion. Cerise sur le gâteau, cette option permettrait en «donnant une bonne valeur à OTA de relever l'action OTH en Bourse !». Il reste enfin l'option pour Sawiris d'envisager le maintien à 100% et de développer ses intérêts en Algérie. Une option qui «pourrait être considérée par les autorités algériennes comme une victoire». |
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