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Conflit avec Sonatrach: Gas Natural conteste

par Yazid Alilat

Le dossier du Sahara Occidental, notamment la reprise des négociations du cycle de Manhasset et la remise sur route du processus de discussions directes entre le Maroc et le Front Polisario, a été un des thèmes discutés jeudi à Alger entre des représentants des gouvernements algérien et espagnol.

Le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, M. Abdelkader Messahel, a en effet rencontré le secrétaire d'Etat espagnol chargé de l'Amérique latine, Juan Pablo de Laiglesia, arrivé dans la journée de jeudi à Alger.

 Selon des sources proches du ministère des Affaires étrangères, le dossier sahraoui a figuré en bonne place dans les discussions entre les deux parties. Bloquées par la partie marocaine, les négociations entre le Front Polisario et le Maroc sous les auspices des Nations unies butent sur l'intransigeance de Rabat qui ne veut prendre en compte dans ces discussions que son projet d'autonomie.

 Récemment, le représentant personnel du Secrétaire général de l'ONU, le diplomate américain Christopher Ross, avait appelé les deux parties ainsi que des pays amis à faire avancer ce processus de négociations directes pour faire aboutir ce dernier dossier de décolonisation. Entre Alger et Madrid, il est surtout question de travailler vers une solution politique. Pour autant, la visite de M. De Laiglesia à Alger a aussi d'autres motifs, ceux notamment des relations économiques et de la lutte contre le terrorisme. En fait, la venue à Alger du secrétaire d'Etat espagnol coïncide avec l'annonce du groupe ibérique Gas Natural qu'il va contester la décision du tribunal d'arbitrage international portant sur les prix du gaz naturel fourni par le groupe algérien Sonatrach à l'Espagne, via le gazoduc Maghreb-Europe (GME). Selon l'agence Reuters, Gas Natural a déposé un recours auprès du tribunal en raison «de vices possibles dans la procédure», et ouvre la voie à une nouvelle bataille judiciaire entre les deux groupes pétroliers.

 Sonatrach avait remporté son bras de fer avec Gas Natural à travers une décision rendue le 16 août dernier du tribunal d'arbitrage international qui lui a confirmé son droit d'augmenter le prix du gaz fourni au groupe espagnol via le GME, qui fournit à Madrid 25% de ses achats de gaz depuis 2005. Le conflit entre les deux parties avait éclaté en 2007, lorsque l'Algérie avait demandé une révision à la hausse de 20% des prix de son gaz vendu à l'Espagne via Gas Natural. M. Chakib Khelil, l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, avait estimé à 600 millions de dollars par an les pertes subies par le groupe Sonatrach par le maintien du tarif actuel de son gaz vendu à l'Espagne.

 Il est dès lors évident qu'aussi bien Alger que Madrid ne tiennent pas à aller vers un autre bras de fer, à un moment où la récession économique frappe de plein fouet l'Espagne, affaiblie économiquement par un important déficit budgétaire, la montée du chômage et le recul de la croissance. L'Espagne, qui traverse une véritable situation de crise économique aiguë, a besoin de souffler, et Alger a les moyens de la «soulager», pour autant que les Espagnols jouent le jeu dans un certain nombre de dossiers régionaux sensibles.

 Les discussions algéro-espagnoles ont en fait abordé autant ce volet de la coopération économique que celui de la lutte antiterroriste, et plus spécialement la gestion des affaires de prises d'otages. Car à Alger, on voit d'un très mauvais œil le fait que Madrid paie les rançons aux preneurs d'otages, leur donnant dans la foulée des moyens autrement plus convaincants pour mener des actions de déstabilisation en Algérie et dans la région du Sahel, au moment où d'autres pays collaborent étroitement pour donner un sens à la lutte contre le terrorisme dans la région sahélo-saharienne. Récemment, Madrid avait payé 8 millions d'euros pour la libération de deux de ses ressortissants détenus par un groupe d'Al-Qaïda au Maghreb. Dans l'affaire des trois humanitaires espagnols kidnappés en Mauritanie par l'Aqmi, Madrid a payé en tout 8 millions d'euros pour leur libération en mars puis en août derniers. Une situation qui met mal à l'aise l'Algérie, qui a toujours milité pour une collaboration internationale contre le terrorisme.