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A travers la gorge

par El-Guellil

Quand il a eu sa première bronchite, sa maman paniquée ne savait que faire. Heureusement que la grande mémé est là avec toute son expérience. «Pas de panique, ki oualou. Vous, bnette el-youm, un rien vous alarme! Laisse-moi faire». Experte, la vieille dame, qui en a vu d'autres, le soigne. Ni comprimé, ni libari, le bébé est sur pied. «Tu as vu comme c'est efficace notre «doua arabe!» Son otite, «doua arabe». Sa diarrhée, «doua arabe». Le bébé pousse, les premiers pas, les premiers bobos. C'est pas grave, la mémé est là, et le «doua arabe» aussi. Tout rentre dans l'ordre. Il ne dort pas, il n'arrête pas de pleurer le mioche. Ni sirou, ni autre drogue médicale, «doua arabe», et il est réglé comme une horloge.

 Première année scolaire, première conjonctivite. Ni pomada, ni collyre. «Doua arabe». C'est que même la maman, par la force des choses, devient experte en «doua arabe». L'expérience chez nous autres, ça se transmet rapidement, plus vite que l'épidémie.

 Avant d'aller passer son examen de sixième, sa maman lui fait avaler une petite mixture de «doua arabe» qui, paraît-il, va l'aider à passer ce cap sans grande difficulté. Lui-même le croit profondément, au point où, des années après, il se prépare le même remontant «doua arabe» avant son BEF. Ça marche. Sa crise d'adolescence, elle aussi a été traitée par «doua arabe». Kla el-bounia, jusqu'à dire «fixe». C'est ce qui lui a permis d'arriver au bac, de préparer sa mixture de «doua arabe» et le rater de justesse. C'est pas méchant, il s'est trouvé un boulot. Il n'a jamais connu le cabinet du médecin. «Doua arabe», c'est bon pour tous les maux. Et il en connaît des recettes. Aucun congé de maladie grâce au «doua arabe». Jusqu'au jour où une extinction de voix l'oblige à consulter le médecin du travail.

 Alors ammi Mohamed? dit le médecin, on n'a pas pu se soigner au «doua arabe»? Ne pouvant parler, alors, en guise de réponse, il lui écrit sur un bout de feuille: «Je crois, docteur, que le doua, il est passé, mais l'arabe m'est resté à travers la gorge».