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Pessimisme à Washington, désillusion à Charm El-Cheikh

par Kharroubi Habib

L'ouverture officielle, le 2 septembre à Washington, des pourparlers directs palestino-israéliens avait eu lieu dans une ambiance pesante du fait du pessimisme s'affichant sur leurs chances d'aboutir. Leur reprise hier mardi à Charm El-Cheikh, en Egypte, est empreinte du même climat, voire plus lourd à cause du refus israélien opposé entre-temps à la demande du président américain Barack Obama de la prolongation du moratoire gelant les colonisations juives en territoire palestinien, expirant le 26 courant. Il est quasi impossible dans ces conditions que la rencontre de Mahmoud Abbas et de Benjamin Netanyahu accouche d'autre chose que du constat qu'ils ne peuvent aller plus loin dans leurs pourparlers.

 Les deux parties campent sur leurs positions qui sont: pour les Palestiniens, qu'Israël arrête la colonisation sur leur territoire, et pour l'Etat hébreu, que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu'Etat-nation du peuple juif. Ni Mahmoud Abbas ni Benjamin Netanyahu ne sont en position de «faire une concession courageuse» sur ces deux points hautement explosifs.

 Le président palestinien, dont la décision de reprendre les pourparlers directs avec Israël est très contestée par ses compatriotes, s'est imposé une ligne rouge à ne pas franchir : celle de poursuivre les négociations avec l'Etat hébreu alors que se poursuivrait la colonisation. Il perdrait le peu de soutien dont il bénéficie au cas où il en viendrait à renoncer à cet engagement pris par lui.

 Le fait qu'il ait pris part à la rencontre de Charm El-Cheikh sans que l'exigence de l'arrêt de la colonisation soit acceptée par l'Etat hébreu lui vaut l'imprécation du mouvement Hamas, qui a qualifié cette rencontre «d'humiliante et dégradante».

 Benjamin Netanyahu n'a pas une plus grande marge de manœuvre que celle du président de l'Autorité palestinienne. A supposer qu'il cherche vraiment à aboutir à un accord de paix avec les Palestiniens, lui aussi doit composer avec les forces de la coalition qui l'a porté au pouvoir. Or, la tendance lourde au sein de celle-ci est celle du refus à toute concession qui ouvrirait la voie à la création d'un Etat palestinien viable, indépendant, aux frontières telles qu'elles étaient en 1967. Lui-même est sur la même longueur d'onde que les tenants de ce refus. Ce qui n'augure pas qu'il soit en esprit de s'engager sur «des décisions courageuses» auxquelles il s'est déclaré prêt lors de l'ouverture à Washington des pourparlers directs. Toutes ces déclarations et celles de ses collaborateurs depuis cette rencontre n'ont au contraire fait que confirmer qu'il est déterminé à ne rien céder, mais au contraire à forcer les Palestiniens à le faire.

 Se pose alors la question de savoir ce que les Américains sont en mesure de poser sur la table des négociations pour empêcher que les pourparlers tournent court. Le camp des anti-accords de paix en Israël a pris le devant contre la perspective de l'éventuelle «médiation» américaine, en lançant une campagne de presse et un appel au Congrès des Etats-Unis invitant à s'opposer aux pressions américaines qui viseraient à pousser Benjamin Netanyahu à se départir de son inflexibilité.

 Aucune des parties palestinienne ou israélienne ne fera le premier pas en terme de concession pour ne pas apparaître aux yeux de leurs censeurs comme les bradeurs de l'intérêt national. Alors, la perspective d'un accord de paix à intervenir dans moins d'une année, tel qu'escompté par ceux qui disent ne pas désespérer, nous paraît hautement improbable.