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Béni-Saf : Pain, quand tu nous tiens !

par Mohamed Bensafi

Les années passent, repassent et se ressemblent. L'approvisionnement en pain est toujours un casse-tête pour toutes ces familles qui comptent s'en approvisionner lors des fêtes comme celle qui vient de s'écouler. Et malgré les mobilisations d'ici et là à la crédibilité professionnelle, le contraire a été une fois de plus constaté. A l'instar de toutes les villes du pays, Béni-Saf ressemblait, vendredi et samedi, à une ville morte. Pratiquement, tous les commerces étaient restés fermés, et pis encore, même les boulangeries. Comme l'illustrent les propos de ce chef de famille: «Moi, drôlement, aujourd'hui, je n'ai même pas ouvert mon porte-monnaie». Néanmoins, seuls les salons photos ont ouvert leurs portes pour recevoir des enfants joliment habillés. Cependant, si les familles ont tout prévu ou plutôt tout acheté pour les deux jours de la fête, il se trouve qu'il y a toujours quelque chose d'oublié ou à acheter de nouveau. Le pain, par exemple, est un produit qui, chez nous, se mange non seulement préférablement frais, mais en plus n'est jamais consommé régulièrement ni dans la quantité ni dans le temps. Un jour, on achète 7 à 8 pains, et le soir, il faudrait encore repasser chez l'épicier du coin, comme on peut en acheter la moitié et que le lendemain quelques-uns sont toujours dans le sac. Cette fois-ci, c'est raté, l'épicier lui-même en avait besoin pour sa propre famille. Et même si chez une grande majorité de familles, le plat favori de midi, lors du premier jour de l'Aïd, reste le couscous, il est impérativement utile d'acheter du pain pour le dîner. Plus encore, chez certains jeunes, même le couscous est accompagné de pain. Et comme le pain était pratiquement introuvable, la plupart des gens étaient rentrés bredouilles. Comme en témoignent toutes ces scènes faites d'enfants le sac à pain sous le bras, qui, tôt dans la matinée, parcouraient les rues désertes à la recherche de ce produit devenu soudainement rare. Les boulangeries qui, à Béni-Saf, ont, lors de ce week-end prolongé, ouvert leurs portes, se comptaient sur les doigts d'une main. Alors, je ne vous dirais rien sur la chaîne humaine qui s'était formée devant une boulangerie qui avait ouvert ses portes dans ce quartier Est de la ville. Quant aux vendeurs de pain traditionnel (ou khôbz el dâr), ils n'avaient plus trouvé d'intérêt à stationner sur les trottoirs. Ils se sont déjà frotté les mains pendant le mois sacré. Une simple khobza était vendue à 30 dinars. Sinon, leurs clients les plus informés qui connaissaient leurs adresses étaient passés chez eux pour en acheter. Dire aussi que cette tension sur le pain avait commencé la veille, quand une bonne partie des boulangeries avait déjà libéré leurs employés. Là, il est presque inutile de signaler que la plupart de cette main-d'œuvre, qualifiée ou pas, vient d'autres régions et que le retour parmi les leurs dure souvent une semaine. Encore que des propriétaires ou exploitants de boulangeries eux-mêmes sont originaires d'ailleurs, les projets sont les mêmes. Regrettable quand on pense qu'il n'y a pas longtemps (une vingtaine d'années environ), de toutes les fenêtres des maisons sortait une odeur agréable de pain traditionnel, symbole d'une tradition qui voulait que le pain se prépare à la maison lors de ces fêtes religieuses. Pourtant, nous dit-on, les services concernés sont passés quelques jours auparavant pour leur demander d'assurer le service minimum, soit de travailler le premier, soit le second de la fête. Aujourd'hui, une question est sur toutes les langues, comment éviter à l'avenir ce genre de défection? L'idéal serait peut-être de négocier un système de permanence avec leurs représentants.