Il est indéniable que la politique de construction massive de
logements dans le pays, à laquelle l'Etat consacre une enveloppe financière
conséquente dans ses programmes d'investissements, produit des résultats
appréciables que l'on ne doit pas mésestimer sous prétexte que les chiffres, en
termes de réalisations, avancés par les autorités en charge du secteur ne
reflèteraient pas l'exacte réalité du terrain.
C'est un fait que
la construction de logements est avec celle de l'autoroute Est-Ouest et des
ouvrages hydrauliques ce que les pouvoirs publics peuvent à bon droit présenter
en tant que succès de l'action gouvernementale. Ce dont ils ne se privent pas
d'autant que ce résultat permet à des citoyens et des familles de plus en plus
nombreux de bénéficier de l'accès au logement et à l'Etat d'engager de vastes
opérations d'éradication de l'habitat précaire qui, au fil des décennies,
prolifère dans nos villes et villages. Celles lancées cet été ont été
spectaculaires par leur importance et la satisfaction populaire qu'elles ont
suscitée. Nourredine Moussa, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme qui
veille à leur bon déroulement, ne boude pas le plaisir que lui procure la joie
qu'expriment les heureux bénéficiaires de ces opérations. Mais pourquoi diable
se laisse-t-il aller à faire la promesse que l'habitat précaire sera totalement
éradiqué d'ici à 2014, en sachant pourtant que ce challenge est hors de portée,
compte tenu des cadences de réalisation et de l'énormité de la demande à
satisfaire pour en finir réellement avec l'habitat précaire? Il est affligeant
qu'un ministre, qui, par ailleurs, se distingue par son sérieux dans l'exercice
de sa fonction, en vienne à faire une telle promesse dont l'extravagance nuit
au respect qu'il a acquis. Il faut croire que Moussa a fini par succomber au
jeu de la surenchère auquel s'adonnent certains de ses collègues en termes de
promesses. Contrairement à ces ministres, il lui suffit pourtant de faire état
de ce que son secteur a réalisé sans y ajouter la présomption mensongère qui
les caractérise. Pour justifier son engagement, Nourredine Moussa a fait valoir
l'argument qu'il y a une volonté politique qui ambitionne d'atteindre
l'objectif de l'éradication totale de l'habitat précaire d'ici 2014, qu'il
existe les moyens financiers pour cela et que les inscriptions des projets
nécessaires sont faites. Ce sont les mêmes arguments qui ont servi à présenter
comme faisable l'objectif de la construction d'un million de logements entre
2004 et 2009. Or, même si la quantité de logements réalisée durant cette
période a été appréciable, le pari ne fut tout de même pas entièrement tenu.
Pour arriver au but promis par Nourredine Moussa de cette éradication à
l'horizon 2014, ce sont d'autres millions de logements qu'il va falloir
construire. Le ministre est pourtant bien placé pour savoir que ce colossal
projet va se heurter à l'insuffisance des capacités qu'il faudrait mobiliser
pour le mettre en œuvre dans les détails et à la cadence nécessaire pour
respecter ceux-ci. Nourredine Moussa n'avait pas besoin de hisser si haut la
barre de l'ambition pour son secteur au risque, à un moment ou à un autre, de
se voir taxé d'avoir lui aussi voulu faire avaler des couleuvres aux citoyens.
Décidément, il faut croire que la politique de l'effet d'annonce est la règle
pour tous les ministres de Bouteflika, même pour les plus respectueux d'entre
eux de la dignité de leur fonction.