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Ce n?est pas un secret : le corail
extrait de la Méditerranée atterrit, quelle que soit sa zone de pêche, à Torre
Del Greco, dans la baie de Naples où, paraît-il, c'est la maffia locale qui en
contrôle toute la chaîne de transformation et de commercialisation dans le monde.
Au Maghreb, le corail fait vivre des centaines de familles, contribue à la
prospérité de villages côtiers et fait marcher l'économie locale, mais,
surtout, les trafiquants de Torre Del Greco.
Que ce soit en Libye, en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, le corail rouge ou rose fait rêver. Brut, il coûte actuellement près de 800 euros le kilogramme, et certaines branches bien fournies de cet animal peuvent atteindre les 15.000 euros pièce. A la conférence de mars dernier de Doha de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées (CITES), le Maroc, la Tunisie et la Libye étaient parmi les 64 pays qui ont voté contre une proposition conjointe des Etats-Unis et de l'Union européenne, visant à réguler les exportations de coraux rouges et roses. En fait, il s'agissait d'inscrire la famille des coralliidae (ou Corallium) de grand fond, 31 espèces au total, à l'Annexe II de la CITES, afin d'imposer aux exportateurs et aux importateurs de contrôler les conditions de leur exploitation. La proposition a été refusée par 64 voix contre 54, ce qui a fait le bonheur des pêcheurs tunisiens, marocains et libyens, qui vivent du corail, mais également des villages côtiers où ce type de pêche est pratiquée. Le Maroc et la Libye notamment ont insisté sur le revenu que les coraux apportent à de nombreuses communautés côtières dans les zones d'exploitation. «C'est facile d'inscrire des espèces à la CITES, sans penser aux répercussions économiques», a accusé en séance le délégué libyen. Tabarka, le corail comme emblème En Tunisie, c'est le village touristique de Tabarka, tout près de la ville algérienne d'El Kala, qui vit pratiquement depuis des siècles de la pêche et de la commercialisation du corail. En fait, de Bizerte à Tabarka, c'est l'économie de toute une région côtière qui dépend de la pêche au corail. Avec la raréfaction et l'interdiction de la pêche au corail rouge, le produit est devenu très cher, car il est de plus en plus difficile de trouver de beaux spécimens, des polypes de plus de trois kilogrammes. Malgré l'interdiction de sa pêche par le gouvernement tunisien, le corail rouge rapporte beaucoup d'argent. Plus que l'espèce dite ?'rose'', car elle se pêche à de petites profondeurs (entre 15 et 30 mètres), le corail rouge est très prisé sur le marché international des coraux. En Tunisie, la production de corail est inconnue, car officiellement, sa pêche est interdite. Mais les quantités prélevées sont suffisamment importantes pour que prospère à l'ombre du braconnage une véritable économie locale. Maroc, vive le corail Au Maroc, la pêche au corail rouge est plus difficile, comparativement à la Tunisie. Il faut aller dans les grandes profondeurs, jusqu'à 100 mètres, pour trouver des coraux commercialisables. La région de production se situe près d'Agadir, dans le sud du pays, mais également sur la côte méditerranéenne, dans le nord du pays. La pauvreté de ces régions, majoritairement enclavées et sous équipées, fait que le gouvernement marocain a encouragé et soutenu la pêche du corail, effectuée à l'aide de plongeurs généralement européens. Les plus-values sont importantes, et les quantités exportées font vivre des villages entiers. Suffisant pour que le gouvernement ferme l'œil sur des transactions souvent pas nettes avec les importateurs italiens, car non déclarées à l'export. En mars dernier, un avis unanime des professionnels de la filière a amené le département de la pêche maritime à envisager l'autorisation de la pêche du corail rouge dans la zone maritime située entre Cap Spartel et Larache, une région qui s'étend de la Méditerranée à l'Atlantique, des deux côtés de la ville du Détroit, Tanger. La pêche au corail rouge sera ouverte pour une année, et le quota global de pêche a été fixé à 6 tonnes. La filière reste rentable, et rapporte d'énormes profits. Algérie, malgré l'interdiction En Algérie, la pêche au corail rouge a été interdite depuis 2001. Des réseaux plus ou moins maffieux se sont constitués autour de cette filière, et les dommages occasionnés aux gisements de corail sont énormes, selon des experts. Le braconnage qui affecte cette ressource marine, en fait le poumon des récifs, est violent. Le corail pêché clandestinement se fait par la méthode dite de Croix de Saint-André : deux barres de fer soudées, attachées à un filet avec lesquelles le navire racle les profondeurs. Résultats : des coraux cassés, et des fonds marins dévastés. La régénération est impossible, mais cela ne suffit pas pour décourager les braconniers. Le chiffre d'affaires annuel de ce braconnage en Algérie est pour le moment inconnu, mais suffisamment important pour nourrir beaucoup de convoitises. Annaba, El Kala, Skikda, sont les villes d'où partent d'importantes quantités de corail rouge, parfois avec des spécimens fabuleux, vers le village italien de Torre Del Greco, plate forme et zone de transit de tout le corail de la Méditerranée. Et, à Torre Del Greco, on vit également depuis plus d'un siècle du corail, et toute insuffisance des arrivages hypothèque l'économie même de ce village. Regrets Un seul regret pourtant : seule la Tunisie a su tirer profit de cette richesse marine, en développant une véritable industrie de transformation du corail, et mis en place une économie qui assure la prospérité, sinon une vie décente de milliers de familles tunisiennes. En Algérie et au Maroc, ainsi qu'en Libye, peu d'ateliers de transformation, l'essentiel du corail pêché va directement vers les usines et ateliers italiens. Puis vers les Etats-Unis, l'Europe, la Chine et le Japon. |
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