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«Le désengagement de BP d'Algérie oblige
à une grande prudence»
L'annonce d'une éventuelle cession d'actifs de BP en Algérie au profit de sa joint venture en Russie TNK BP coïncide avec le lancement du 3e appel d'offres d'Alnaft pour relancer la recherche exploration dans l'amont pétro-gazier algérien. Mustapha Benkhemou, qui a conduit la veille stratégique au ministère de l'Energie ces dernières années et qui est membre du bureau de l'AIG (Association algérienne de l'industrie du gaz), évoque les enjeux des transferts d'actifs qui se profilent dans le domaine du gaz naturel. BP a besoin de lever 40 milliards de dollars en cédant des actifs dans le monde. Il est pour la première fois question que la major britannique cède ses actifs en Algérie essentiellement dans l'amont gazier. Pouvez-vous nous dire si l'Algérie et Sonatrach ont un intérêt à exercer le droit de préemption décidé pour toute cession d'actifs étrangers ? Mustapha Benkhemou : A la différence des partenariats?amont concernant le pétrole brut, les joint ventures (JVs) relatives au gaz naturel requièrent une approche beaucoup plus prudente en matière de transferts d'actifs. Nul n'ignore que le gaz naturel est en passe de devenir le produit stratégique par excellence, au centre des luttes d'influence présentes et à venir entre les diverses parties concernées. Bien des efforts sont consentis par les pays grands consommateurs pour retarder l'échéance d'une trop grande dépendance au méthane. La R&D (recherche et développement) se focalise vers des solutions alternatives comme le charbon «propre», l'électronucléaire et/ou les sources d'énergie renouvelables. Il n'en demeure pas moins qu'un mix énergétique ne saurait dépendre à plus de 30% d'énergies non stockables. Le nucléaire fait toujours peur, surtout après les incendies qui viennent de ravager les zones irradiées par la catastrophe de Tchernobyl, 24 ans après. Le gaz reste l'énergie stockable la moins polluante qui, associée au solaire, à l'éolien, aux usines marémotrices, etc, peut permettre de gérer en douceur le processus de réchauffement climatique. La Russie en fait son principal atout stratégique dans ses relations avec l'Europe de l'Ouest et les anciens pays du glacis soviétique. Une stratégie d'encerclement de l'Europe est mise en œuvre, y compris sur son flan sud, puisque Gazprom fait des pieds et des mains pour entrer dans le projet de gazoduc Nigeria- Algérie- Europe (TSGP). Dans un tel contexte, serait-il prudent de permettre une cession des parts de BP sur les gisements d'In Salah à une compagnie russe ? L'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil avait fixé un objectif ambitieux de 35% de chiffre d'affaires de Sonatrach à l'international en 2017. Est-ce que vous pensez que Sonatrach doit se saisir de cette opportunité pour faire des acquisitions d'actifs de BP à l'international et y élargir ses actifs ? L'objectif de 35% du CA de Sonatrach en 2017 ne sera pas atteint, loin s'en faut. Le management de l'entreprise n'a pas encore acquis la culture nécessaire à ce genre de challenge. Néanmoins, des efforts sont consentis dans ce sens et Sonatrach reste ouverte à toute opportunité qui s'offre, à défaut d'aller la chercher? Dans le cas du désengagement de BP de certains de ses actifs, il est clair que les équipes de veille commerciale et stratégique du groupe devront rester très actives, à l'affût d'un bon investissement. Mais la prudence doit rester de mise quand on sait que BP avait proposé à Sonatrach de prendre une participation dans ses gisements du Golfe du Mexique? Alnaft a lancé son troisième appel d'offres pour attribuer des permis de recherche sur l'amont pétro-gazier algérien. Les deux premiers appels d'offres en 2008 et 2009 n'ont pas eu beaucoup de succès. Est-ce que le départ de BP d'Algérie, s'il venait à se confirmer, ne va pas causer du tort à l'attractivité du domaine minier algérien, actuellement mise en doute ? BP a adopté un programme de cessions d'actifs, amont notamment, sur la base de critères de rentabilité court-moyen terme, en rapport avec le choc financier induit par ses obligations dans la catastrophe de la méga-pollution du Golfe du Mexique. Il se trouve qu'à ces horizons de temps, le cash flow attendu des gisements gaziers en exploitation présente quelques risques eu égard à la chute drastique du marché spot GNL, avec un impact potentiel sur les prix du gaz en général. De plus, le développement du gaz de schistes, dans lequel BP est partie prenante, risque de plomber les prix du gaz jusqu'à extinction de la bulle gazière actuelle. En conséquence, les partenaires potentiels risquent de ne pas se précipiter sur des blocs dont la géologie préfigure des accumulations de gaz. Quant au domaine minier ayant plutôt un profil pétrole, il attire et continuera d'attirer toutes les convoitises. Il est malheureusement plus réduit. |