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BP, DES COUTS ET DES COUPS !

par K. Selim

Pour le groupe BP, qui a déjà dépensé 9 milliards de dollars pour arrêter la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique, la facture de la marée noire causée par l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon risque d'être plus élevée que prévu.

 La multinationale, qui a créé un fonds de 20 milliards de dollars pour compenser les victimes de ce désastre écologique, a revu à la hausse son programme de cession d'actifs, qui passe de 30 à 40 milliards de dollars. Certains gisements, comme celui de Prudhoe Bay en Alaska ou en mer du Nord, avaient déjà été identifiés et les négociations sont virtuellement closes avec des compagnies de taille moyenne désireuses de reprendre des champs arrivés à maturité mais encore très rentables.

 Mais l'information qui court dans les milieux spécialisés, reprise par notre journal, fait état de la vente probable des sites de BP dans le désert algérien. Pour l'instant, cette information, non confirmée, est encore au conditionnel tant la compagnie pétrolière avait multiplié les signes d'une présence durable en Algérie. Il reste que pour se réaliser, une telle transaction nécessiterait l'aval des autorités algériennes, soucieuses d'exercer leur droit de regard, et éventuellement celui de préemption, dans des opérations de désengagement de cette nature.

 Les experts s'interrogent néanmoins sur les motivations véritables de BP. L'évaluation des réparations que pourrait supporter le géant pétrolier est extrêmement difficile à établir. Des myriades de procès peuvent donner lieu à un montant final astronomique : plus de deux cents milliards de dollars, avancent certaines sources. Pour une compagnie qui, si elle reste en excellente santé financière, a vu sa valeur boursière reculer de 50% depuis le «11 septembre écologique», selon la formule de Barack Obama, le choc est extrêmement rude. Les tribunaux américains ne feront aucun cadeau à la multinationale qui s'apprête à «bénéficier» du même traitement que l'industrie du tabac qui avait été saignée à blanc en 1988.

 BP, qui risque donc de payer le prix fort et ceci pendant des dizaines d'années, a néanmoins la capacité de survivre au tsunami financier qui peut s'abattre sur elle. Malgré les taux d'assurance très importants qu'elle doit supporter, sa situation financière est saine et elle dégage un cash-flow annuel de 30 milliards de dollars. La partie post-catastrophe que s'apprête à jouer l'état-major de la compagnie s'annonce complexe.

 Les cessions d'actifs visent non seulement à alimenter le fonds d'indemnisation mais également à donner les moyens à BP de lancer l'exploitation de nouveaux sites bien plus rentables. Dans ce contexte, l'annonce du lancement en octobre de forages au large de la Libye est un indicateur clair des intentions de BP. En se défaisant d'actifs ayant atteint un stade de maturité mais où la rentabilité est moins élevée pour reporter son effort sur de nouveaux gisements à fort potentiel, BP restructure efficacement son portefeuille. Le coût d'extraction du pétrole libyen serait ainsi cinq fois moins important que celui assumé en Alaska.

 Ainsi, la vente des actifs algériens pourrait autant répondre à des besoins pressants de financement que traduire une réorientation stratégique majeure.