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Gâteaux de l'aïd: Commandés ou préparés, c'est le même tarif !

par Moncef Wafi

Evolution des mœurs ou prise de conscience des femmes, la préparation des traditionnels gâteaux de l'aïd est devenue, au fil du temps, un véritable baromètre de l'émancipation de la femme algérienne par rapport au diktat du four et de la belle-mère.

 Ainsi, de plus en plus de femmes actives et «au foyer» se tournent vers les «professionnelles» du rouleau pour passer commande des gâteaux de l'aïd. Des inconditionnels mais également des détracteurs de cette pratique trouvent toute sa raison d'être dans l'évolution verticale de la condition socio-économique de la femme. Mais pas uniquement : la femme, même désargentée, aspire de plus en plus à conquérir une liberté individuelle qui passe forcément par trouver sa place dans le monde du travail et, accessoirement, par se débarrasser des contraintes et des corvées ménagères. Si dans l'esprit, la distance que prend la femme vis-à-vis des exigences du toit familial ou conjugal s'inscrit dans la logique de l'évolution des mœurs, en réalité c'est tout un process qui s'est mis doucement mais sûrement en place pour offrir à la femme ce substitut. Cependant, sur le terrain, cette théorie de l'esprit n'a rien à voir avec la réalité des fours puisque les femmes qui passent commande le font souvent pour des raisons tout à fait pratiques, comme elles tiennent à le souligner. «Je n'ai pas le temps. Déjà qu'entre le boulot, les enfants et la bouffe je n'arrive pas à m'en sortir, alors s'il faut encore se farcir les gâteaux de l'aïd !», semble presque se justifier Fatima, fonctionnaire dans une administration publique.

 Cette réponse, vous la trouverez quasiment dans tous les argumentaires féminins qui témoignent paradoxalement de la gêne de la pratique. Question de temps mais également de moyens, parce que le commerce des gâteaux n'est pas à la portée de toutes les bourses. En témoignent les prix affichés par kilo ou par pièce. 300 à 500 DA le kilo pour les gâteaux à base de cacahuètes, ne contenant ni amandes ni noix, et 35 à 50 DA pour les pièces.

 Pour Djamila, la quarantaine, employée dans une entreprise privée, «la femme a de plus en plus recours à l'achat des gâteaux puisque cela lui permet de profiter de son temps pour faire autre chose, au lieu d'être prise pendant une semaine devant les fourneaux». L'aspect économique est également pris en considération dans le choix des ménagères algériennes puisque, selon toujours Djamila, préparer les gâteaux à domicile ou les commander revient presque aux mêmes dépenses.

 La mercuriale des ingrédients en est la meilleure preuve, puisque les noix décortiquées sont cédées à 1.200 DA le kilo, les amandes sont proposées entre 700 et 800 DA, les cacahuètes à 250 DA, les pistaches entre 2.000 et 2.400 DA.

 Cette pratique, vieille d'une décennie, s'est enracinée dans les mœurs locales puisque le phénomène a tellement pris de l'ampleur que nombre de micro-entreprises se sont créées autour du commerce des gâteaux traditionnels et modernes. Si, au début de l'aventure, ils n'étaient que quelques vitrines à honorer ce genre de commande, aujourd'hui, la tendance est à la généralisation. Légalement ou au noir, de plus en plus de cuisines se transforment en lieux dédiés aux gâteaux. Si les tenants de ce commerce sont souvent des femmes issues de Tlemcen, Constantine et Alger, les pionnières ont appris sur le tas, car ayant côtoyé une voisine syrienne ou jordanienne ou ayant elles-mêmes vécu quelque temps dans les pays du Machreq.

 Aujourd'hui, pour passer commande, il faut le faire la première semaine du ramadhan, sinon on risque de se retrousser les manches, affirme Djamila. Pourtant, il reste encore des irréductibles qui pensent que la préparation des gâteaux, à l'image des makrout, cigares, knidlettes, ghribya, torno ou griouèche, est une tradition à laquelle il faut tenir, au risque de perdre les dernières valeurs familiales qui subsistent encore.