Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Recrudescence des vols et des agressions: Oran, une ville peu sûre

par Ziad Salah

Ce mois de jeûne qui tire à sa fin a-t-il connu une explosion de violence comparativement à la fois aux autres mois de l'année et aux précédents ramadhans ? La question a été soulevée par plus d'un média, à commencer par l'ENTV qui lui a consacré tout récemment un reportage de quelques minutes lors d'un JT.

Mais en l'absence de données chiffrées fournies entre autres par les services de police, il est aléatoire d'avancer un quelconque élément de réponse à cette question. Quelques rares indications sont disponibles telles que celles fournies par un titre de la presse nationale faisant état de quatre-vingts cas de coups et blessures volontaires enregistrés au niveau des services de la médecine légale du CHU Oran durant les deux premières semaines de ce mois sacré.

Faute d'être mise en rapport avec d'autres données (au moins la moyenne mensuelle des agressions), cette «statistique» perd toute pertinence. En attendant une communication plus élaborée, retenons que le sujet de la violence urbaine revient souvent dans les discussions des terrasses de café. Sollicité d'avancer un point de vue, un officier de police, catégorique, dira «qu'il y a moins d'actes de violence qu'auparavant». Mais il finira par reconnaître qu'il y a «une notable recrudescence ces derniers jours», c'est-à-dire à l'approche de l'Aïd. Mais on retiendra de ses dires que les services de police ne tirent aucune étude de la banque de données dont ils disposent. Pourtant, «les fichiers» des délinquants recèlent d'informations qui peuvent apporter un certain nombre d'éclairages sur la violence urbaine.

Un autre témoin sollicité insistera sur la nature de la violence. Il parlera avec force détails d'un gosse dont l'âge ne dépasse pas les seize ans et qui a fait étalage d'une violence inouïe (verbale et physique) avec des éléments de la BMPJ. Soulignons que les éléments de ce corps de sécurité sont de plus en plus visibles sur les artères et carrefours notamment du centre-ville. Ce qui a un effet dissuasif. En tous les cas, Oran est devenue une ville très peu sûre.

Cependant, il est presque établi que le nombre des vols (de tout genre) et des agressions a véritablement explosé. Au niveau du quartier El Akid Lotfi, pas moins de 17 plaintes de vols de voitures ont été enregistrées les premiers jours de ramadhan. Une bande de délinquants a été surprise en flagrant délit de cambriolage d'une voiture et risque d'endosser la totalité de ces forfaits. Les histoires des personnes qui ont été délestées de leur argent sur le marché de la rue de la Bastille ou à M'dina Jdida se comptent par dizaines. Paradoxalement, la fréquentation de la rue des Aurès n'a pas connu de baisse de jour comme de nuit. Plusieurs personnes ont évoqué le braquage d'une bijouterie en pleine journée dans le quartier de Maraval. Cette fois-ci, ce sont les passants qui ont déjoué la tentative et ont fait fuir les malfaiteurs.

A noter également que les agressions se font de plus en plus violentes. Des victimes sont parfois sauvagement agressées pour quelques dinars. Des quartiers commerçants comme M'dina Jdida ou Derb ont un palmarès inouï dans ce «créneau». La dernière en date, celle qui a fait les choux gras de la presse, s'est déroulée à la rue Baghdadi Mohamed, en plein centre-ville, où un commerçant a été poursuivi par une bande de voleurs armés jusqu'aux dents pour essayer de le détrousser de 70 millions de centimes. Il ne dû son salut qu'à l'intervention des autres commerçants qui ont fait fuir les assaillants. Puis les commerçants ont eu ras le bol et ont baissé leurs rideaux et sont allés se plaindre à la sûreté de wilaya.

Des exemples de la sorte sont légion. Et les points les plus chauds sont le boulevard Maâta, le boulevard Hamou Boutlelis, la rue de la Révolution, connus pour leurs boutiques de prêts-à-porter et autres supermarchés. Dans ces endroits, devenus de véritables coupe-gorge, les « proies », dira un riverain, viennent jusqu'aux prédateurs, qui n'ont qu'à se servir.

Versant dans un sociologisme un peu facile, un militant d'un parti politique essayera d'expliquer que cette forme de violence n'est que la réplique de celle, plus sournoise, exercée par les commerçants durant ce mois de carême. D'autre part, la focalisation exagérée sur la violence urbaine fait passer sous silence une autre violence, pourtant plus proche de chacun de nous : la violence domestique. Les femmes et surtout les enfants, victimes premières de cette violence, l'exprimeront un jour à leur manière.

Mais les débats sur la violence durant ce mois de carême remettent sur le tapis l'urgence d'un observatoire qui prendra en charge cette question. En collectant les données parcellaires, en les triant, les organisant et en tirant un sens, pareille institution peut être d'un apport évident dans la compréhension et la lutte contre ce phénomène.