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Ceux qui nous
gouvernent n'arrivent point à nous convaincre. Ils le font pourtant à force
d'autorité, de langage, de chantage ou de fascination. L'ensorcellement est
dans le discours.
Il est toujours possible de bâtir des châteaux de cartes, d'hypnotiser l'assistance et de produire l'inutilité. Ce geste facile, ce caprice supérieur est tout le temps un acte gratuit. Même si une ombre d'intérêt vient pointer son nez, l'artifice ne devrait pas justifier la tromperie ou faire croire à une puissance qui ne sévit que par le mal. Il est toujours possible de tendre, remuer sa langue et de secréter le faux en salive. Vouloir séduire son auditoire par l'étalage supposé de muscles c'est le pousser à vous pousser vers la démonstration. Et la démonstration ne tardera jamais à surgir. La fascination s'écarte au moment où la nudité des faits, fait de l'orateur gestionnaire, un monument de mensonge que la difficulté imprévisible laisse apparaître son impuissance à régler un problème petit soit-il. Ainsi la force présentée comme une menace à l'égard de quiconque osant obstruer le chemin de la déliquescence s'évaporerait aux premiers « accrocs » et se résignerait forcement à s'adapter aux situations normales. Quand on a décidé de gouverner seul une ville ou une grande institution, que l'on continue à le faire seul ! il n'y a pas lieu qu'en face « d'accrocs » ou de « quart » d'exploitation de substituer l'ennemi d'hier à l'allié d'aujourd'hui, sinon l'autorité hautement réclamée n'aurait été qu'une longue hypnose. Le silence manque parfois de paroles et se libère dès que celle-ci lui est retirée. L'ordre naturel des choses sensibles ne peut en effet limiter la parole, qui même s'y soumettant, le nie en un sens pour l'achever. Soit la nature n'a jamais cautionné l'acte de ceux qui bouchent la bouche des autres. L'affaire, en affaire publique les concerne tous. Le détenteur de l'autorité, ministre, directeur général ou wali ; n'est qu'un microcosme au centre de l'univers, au confluent de l'évolution et de la régression, des courants de la gloire et des chutes. A chaque puissance, il y a plus puissant, à chaque savant il y a plus savant. La mesure se confine donc dans la modestie et l'aisance spirituelle. Parmi les responsables, les uns admettent pour une précellence le fait de travailler avec des gens, d'autres la refusent et prennent ces gens pour une monnaie d'aumône. Il reste que le véritable responsable doit dédaigner et fuir « la force » qui aurait à le rendre invincible et inattaquable. Ce serait une erreur de soutenir que la possession de « connaissances » ou de « liens solides » est un état louable en soi. Le faible qui, nourri de patience ; est encore supérieur au fort dont la vie déborde d'impatience. L'autorité de certains n'a de facette que dans la tchatche et la parlotte. Par contre, pour d'autres elle n'est que dans l'acte, la finalité et l'aboutissement. Entre les deux groupes d'individus, l'écart demeure insignifiant eu égard à l'autorité qui par la tchatche arrive toutefois à fasciner plus d'un ! Il n'y a pas ceux qui pensent seuls ; que le monde est au « bout du nez » ou qu'Eliot Ness hante leur audace et piège leur zèle. Que ceux qui se prennent pour un bout de monde n'aillent surtout pas chercher, le reste de ce monde dans le regard que leur offre la distance qui sépare l'œil de la crête nasale. Nous sommes tous ainsi faits. Des bouts de tout et de bout en bout. La disparition « des queues » appendices physiques, dans l'évolution de l'espèce animale n'a pas à venir remplacer les « courbettes » tant que celles-ci se renouvellent la face à chaque circonstance. Le mot peut devenir, le cas échéant, plus flexible qu'une échine dorsale. L'irrespect c'est aussi parfois dans le défaut d'audience d'une quelconque partie fut-elle mal aimée, au moment même où nos tympans, allongés et couchés, s'étirent pour recevoir une autre poésie dont la rime n'est autre qu'un ordre ou une injonction. Une œuvre qui se fait avec réussite suscite le mal chez les médiocres, ces habituels amoureux des banquettes en quête de gloire. Elle provoque également d'une manière indéniable une source d'inspiration face à un assèchement culturel. Si la réflexion sans doute innocente et dépersonnalisée arrive, contre vents et marées à produire tout de même, une allergie dans les écailles d'un certain pouvoir, c'est que la lecture d'un éloge est prise pour une caricature et la satire pour une louange. Louons ! Faisons des éloges ! Notre erreur est une faute de vocabulaire, nous manquons de vocables, nous ne savons plus fléchir les mots ou courber leur sens ! Notre langue est méchante plus que n'est sordide l'encre qui coule dans le tube que tiennent nos index et nos pouces. Nous devons tous faire notre repentir avec l'énorme espoir que nos zélateurs ou nos pourfendeurs se tairont et ne lâcheront pas les cieux qu'ils étendent sur nos têtes. C'est eux qui nous assurent le pain et le gîte, le vin et le rite. Ils officient, veilleurs derrière les étals de bars, censeurs devant les vacations de quart et imam sur la chaire des minbars ! C'est par la grâce de leurs cervelles bouillonnantes, que les nôtres se trouvent en quarantaine. Nos écrits grossiers et erronés, font du tord, paraît-il, au « devoir de justice » qui devait nous animer ou au moins nous inciter « à changer de posture ». Les signaux politiques que nous lance un discours ou une rubrique peuvent être aisément émis en clair, par le fait du pouvoir qu'ils exercent à notre égard. Nous allons devenir, voyez-vous, de simples auditeurs, de simples lecteurs ; accepteurs et récepteurs. Nous éduquerons nos tympans à recevoir comme miel, la salive qui déborde de vos gorges, comme nous acclimaterons notre œil à percevoir comme lueur prophétique, le regard perçant qui gicle de vos yeux. Quand l'impudence maquille les tares, le zèle ne suffit plus à rendre l'incompétence, compétence. Comme Le baudet ne sera jamais un étalon même broutant dans le champ des seigneurs. |
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