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Les familles des disparus ont tenté, mercredi dernier, d'esquiver la
répression policière en tenant leur rassemblement symbolique en début
d'après-midi plutôt que durant l'habituelle matinée.
« SOS Disparu(e)s et Collectif des familles de disparu(e)s» ont donné mercredi rendez-vous à leurs adhérents pour tenir leur sit-in hebdomadaire à partir de 13 h au lieu du matin. L'objectif était de détourner les regards des services de police qui se sont braqués sur eux, et ce, depuis plusieurs mercredis de suite, pour les empêcher férocement de tenir leur rassemblement symbolique «Contre l'oubli et pour la Vérité». Mais, en ce matin pluvieux du mercredi, les animateurs du rassemblement devaient compter sans la main de fer des nombreux agents de sécurité qui avaient pris position tôt le matin à proximité du siège de la Commission consultative nationale de la protection et de la promotion des droits de l'Homme (CCNPPDH) et tout autour de la place Addis Abeba, contrôlant tous les allers et venues des ruelles débouchant sur la place en question. Il pleuvait beaucoup quand la quarantaine de personnes représentant les familles des disparus voulaient s'approcher du siège de la CCNPPDH. Les agents de l'intervention policière foncent sur elles pour les en empêcher. «Je suis médecin, vous n'avez pas le droit de me malmener», dit un manifestant à la main de l'officier qui l'a pris par le cou et poussé. Surnommé «le rouquin», l'officier lui jette à la figure: «le médecin c'est à l'hôpital, non seulement je te malmène mais narhik (je te broie) !» Il s'acharnera aussi contre l'avocat de SOS Disparu(e)s, Maître Amine Sidhoum. «L'avocat, c'est au tribunal, pas ici !», lui dit-il. Résultat de cette autre démonstration de force policière, le transfert de Slimane Hamitouche (encore lui) et Moussa Bourfis (le médecin bousculé) vers le commissariat du 9è arrondissement. Pour rappel, Hamitouche a été déjà interpellé mercredi dernier et pris au commissariat «pour attroupement illégal.» Leur collègue Hassan Ferhati estime qu'il l'a été «parce que c'est un jeune qui a une force de caractère remarquable». Tout autant que son collègue, Hamitouche sera relâché durant les heures qui suivront comme il l'a été la semaine dernière après la signature d'un PV attestant qu'il participait à un attroupement illégal. «Ça fait 12 ans qu'on tient notre rassemblement, personne ne nous a rien dit et aujourd'hui, vous découvrez qu'il est illégal», a dit Hamitouche au commissaire, selon Hassan Ferhat. Les manifestants ont été poussés vers la porte du palais du peuple pour ensuite être mis dans un bus public et transportés loin des lieux de la discorde. «C'est le dernier avertissement !», leur a lancé l'officier. Ferhat relèvera cependant un fait marquant. «Le commissaire qui était présent sur les lieux, celui qui nous a violemment malmenés la semaine dernière, a été très indulgent cette fois avec nous, il a ordonné à ses agents de ne pas nous frapper», nous affirme-t-il. La présidente de SOS Disparu(e)s, Fatima Yous, promet de revenir mercredi prochain sur les lieux du rassemblement. «Nous continuerons de le tenir comme d'habitude», nous dit-elle. «J'ai dit au commissaire que nous serons toujours là», nous dit Ferhat. «Nous aussi, nous serons toujours là,» lui a répondu le commissaire. L'on s'interroge sur le pourquoi de cette subite levée de boucliers contre des manifestations qui ont toujours été pacifiques et qui ne gardent comme moyens d'expression que les photos de leurs proches disparus qu'ils brandissent chaque mercredi des douze années écoulées depuis qu'ils ont juré de s'interdire l'oubli et de rechercher la Vérité. L'on s'interroge si en recevant les responsables des services de sécurité, le président a été informé sur la répression qui s'était abattue, mercredi dernier, sur des vieilles personnes, des mères en général, venues implorer calmement les institutions de l'Etat. Le président de la CCNPPDH, Maître Ksentini, affirme n'être aucunement responsable de la soudaine décision d'interdiction du rassemblement des familles des disparus. Il n'en a d'ailleurs pas la prérogative. Reste à savoir qui a décidé de mettre de l'huile sur le feu en tenant à étouffer la revendication légitime d'un droit, puisque constitutionnellement reconnu, qui est celui d'exiger que la lumière soit faite sur le manquement de l'Etat à sa responsabilité de protéger les personnes et les biens. Un droit que le chef de l'Etat a (re)confirmé lors de son audition, mardi, du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. |
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