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Le ramadan, chaque an nous donne rendez-vous avec nos
tares. Les ventres vides. La tête pleine. Pleine de vide. Un sel leitmotiv
«saha ftourkoum». Tout le reste peut attendre. «Laisse-nous nafatrou et on
verra après.» Le pauvre habitué toute l'année aux privations se délecte de voir
que le riche à son tour connaîtra la faim, le temps de quelques heures. Il se
sent supérieur à lui. Lui qui jeûne tout le temps. Du matin au soir. Du soir au
matin.
L'autre, lui, se transforme en chasseur. Chasseur dans tout le sens figuré du terme. C'est-à-dire qu'il se met en quête de rassembler le plus de nourriture possible afin de satisfaire son estomac et celui des siens dès le coucher du soleil. Toute la journée, les gens se souhaitent un bon appétit avec le sacro-saint : Saha ftourek ! Preuve que les gens deviennent fous. Le temps qui s'écoule, chaque minute, leur rappelle que le temps de manger n'est pas encore arrivé. Il n'est pas possible de réaliser une autre activité que celle d'attendre que le jeûne se rompe. On jeûne. On attend. Cela accapare notre corps qui se transforme en un tube digestif sans âme et donc sans pensée. Le temps s'arrête car on passe notre temps à l'épier voire à le maudire de ne pas aller plus vite. Alors, que tout ce temps devrait servir à nous tourner vers les questions religieuses. A l'image de quelques saints qui, le ventre vide, peuvent s'adonner à la méditation. Les mets abandonnés. Les préoccupations terriennes liées à l'alimentation disparaissent laissant l'homme face à lui-même. Chez nous, la période de jeûne laisse l'homme face à son estomac. C'est là, qu'il prend conscience que celui-ci est plus fort que lui et qu'il le gouvernera toujours. L'estomac de la poubelle est garni, plein à craquer au passage des éboueurs. Demain il fera jour, demain on refera la même chose. |
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