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Les familles des disparus répondent à Ksentini

par Ghania Oukazi

Les familles des disparus estiment que la Commission Vérité et Justice qu'elles réclament «doit avoir pour mandat de faire la lumière sur le sort de tous les disparus et de toutes les victimes.»

Après la terrible séance de violence policière subie par ses membres et sympathisants mercredi dernier suite à l'interdiction de leur rassemblement symbolique «contre l'oubli», SOS Disparu(e)s et Collectif des familles de disparu(e)s rebondissent par un communiqué qu'ils intitulent «Accueillir les terroristes à bras ouverts et matraquer les mères des disparus : la justice et la mémoire selon Me Ksentini.» Le titre se veut en évidence, une réponse à Maître Farouk Ksentini qui a affirmé le jour même de cette interdiction que «le dossier des disparus est clos» et ce, a-t-il précisé, conformément à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les signataires du communiqué estiment ainsi que «depuis plusieurs mois, Me Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH) multiplie des déclarations publiques concernant la question des disparus qui constituent autant de provocations.» Ils lui reprochent d'utiliser des subterfuges pour justifier la répression. «(?) Tantôt par la présence d'étrangères, tantôt par les insultes des mères à l'égard du président de la République?», écrivent-ils. Les associations prennent à témoin l'opinion publique pour préciser que «pour toute insulte, les mères ont l'habitude d'interpeller le Président en scandant «ya Raïs Bouteflika waâleh khayef mel haqiqa ? Ya Raïs Bouteflika, waâleh tkhebbi el haqiqa ?» (Président Bouteflika, pourquoi avez-vous peur de la vérité ? Président Bouteflika, pourquoi cachez-vous la vérité ?). A Me Ksentini qui a aussi déclaré que l'interdiction du rassemblement des familles des disparus «n'est qu'une stricte application de la loi,» les signataires du communiqué tiennent à lui rappeler que la loi à laquelle il se réfère «n'est autre que celle portant état d'urgence qui est une porte ouverte aux violations des droits de l'Homme.» Ils rappellent à juste titre que «l'état d'urgence est maintenu en violation de la Constitution depuis 18 ans.» Un maintien qui, se désolent-ils de faire remarquer «n'émeut pas Me Ksentini outre mesure parce que pour eux, «Me Ksentini croit que la principale fonction de la mémoire de l'Homme, c'est d'oublier !»

 Les associations représentant les familles de disparus se disent étonnées «que le président d'une instance nationale chargée en principe de promouvoir et de protéger les droits de l'Homme n'ait pas conscience que son rôle est d'agir en faveur des droits de l'Homme et non pas de se faire le porte-voix de l'Exécutif en justifiant la répression policière et l'injustice.» Elles pensent que «Me Ksentini affiche une position ambiguë sur le dossier des disparus.» Et affirment qu'«il s'est fait le promoteur de la politique d'indemnisation. (?). (Mais) il est loin de la réalité lorsqu'il dit que les témoignages et les archives n'existent pas.»

 Fidèles à leur combat «Pour la Vérité et Contre l'Oubli», SOS Disparus et Collectif des familles des disparus demandent aux dirigeants algériens de «prendre l'exemple d'expériences étrangères» et avancent «la solution d'une Commission Vérité et Justice pour toutes les victimes.» Solution pour la défense de laquelle ils se sont mis en partenariat avec les associations de victimes de terrorisme, Djazairouna et Somoud. La nuance apportée par le «toutes les victimes» est ainsi, pour inclure dans le même dossier des disparus ceux enlevés par les services de sécurité et ceux qui l'ont été par les groupes terroristes. «Cette commission doit avoir pour mandat de faire la lumière sur le sort de tous les disparus et de toutes les victimes en exploitant les témoignages et les archives dont disposent nos associations, en effectuant des tests ADN, et en auditionnant les familles des victimes.» Ces précisions se veulent une réponse claire à Me Ksentini qui a déclaré qu'«en tant que commission consultative, nous avons fait tout ce qui était en notre possession de faire». (Voir le Quotidien d'Oran du jeudi 12 août 2010). «Les Commissions Vérité ne sont pas un obstacle à la paix, au contraire !» estiment les représentants des familles des disparus.