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Audition des ministres : à quelle fin ?

par Kharroubi Habib

Le programme de développement dont Bouteflika a fait la pierre angulaire de  sa gouvernance s'est heurté, dans sa mise en œuvre, à des lenteurs et des retards dus à des causes multiples. Les lourdeurs bureaucratiques qui sont consubstantielles à l'acte administratif chez nous y ont été pour beaucoup, auxquelles s'est ajouté le manque de maîtrise, pour ne pas dire l'impuissance de l'exécutif gouvernemental en charge de son exécution et du suivi des chantiers programmés.

 Il en a résulté des situations qui ont obligé le chef de l'Etat à se muer en chef de chantier, rôle qu'il a joué d'abord en multipliant les visites d'inspection sur le terrain, sorties au cours desquelles les citoyens ébahis l'ont entendu tempêter, fustiger sans retenue les ministres en charge de projets dont la réalisation outrepassait les délais officiels impartis, ou dont l'étude et la maturation avaient été mal conduites.

 Les ministres admonestés par le super chef de chantier qu'était devenu le Président se sont certes engagés à faire preuve de plus de vigilance et d'efficience dans le contrôle et le suivi des chantiers et projets relevant de leurs départements respectifs. Pour certains pourtant, ce ne fut que promesse vite oubliée ou impossible à tenir pour la raison que leur autorité ne parvenait pas à lever les blocages que des intérêts occultes occasionnaient.

 Pour autant, le chef de l'Etat ne s'est pas résolu à la décision qu'imposait la situation aux yeux de l'opinion publique. A savoir remercier sans autre forme de procès les ministres défaillants. Au contraire et à la grande surprise de cette opinion, il a renouvelé sa «confiance» à l'ensemble de l'exécutif gouvernemental. Les quelques ministres qui on été «débarqués» à l'occasion des remaniements de gouvernement auxquels il a procédé depuis 2004, date de sa réélection pour un second mandat, l'ont été pour des motifs sans rapport avec l'exécution de son programme de développement.

 Tout ce que Bouteflika a trouvé pour fouetter le dynamisme de ses ministres a consisté à instituer la pratique de leur audition par ses soins une fois dans l'année pendant la période du mois de ramadhan. Il est fait obligation au cours de leur audition à ces ministres de fournir le bilan le plus exact possible de l'action de leur département en terme de prise en charge de l'application du volet du programme de développement qui leur incombe. D'apporter également des explications aux retards et autres défaillances dans cette action que le Président, par ailleurs bien informé, tient à en connaître par ses ministres les tenants et aboutissants.

 Pendant ce mois de ramadhan, les membres de l'exécutif défileront donc à nouveau à la présidence pour «un examen de situation». Un exercice que beaucoup appréhendent, ne serait-ce que parce qu'ils s'attendent à être vertement tancés.

 Pour leur part, les citoyens se sont faits à l'opinion que ces auditions ne visent pas à l'essentiel, à savoir la sanction pour les ministres défaillants au principe de l'obligation de résultat. Beaucoup d'entre eux n'y voient plus qu'une opération destinée à délivrer le message que le Président veille et suit à l'avancement de la réalisation du programme de développement et que l'exécutif gouvernemental ne chôme pas pendant le ramadhan.

 Depuis que la méthode a été instaurée, les retards s'accumulent sans que les instructions présidentielles délivrées à l'occasion des auditions ne se matérialisent par les rattrapages que le Président somme ses ministres de réaliser.