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«Il n’y a qu’un patron : le client. Et il peut licencier tout le personnel, depuis le directeur jusqu’à l’employé, tout simplement en allant dépenser son argent ailleurs.», Sam Walton, distributeur et industriel américain [1918-1992]. Il y a quelques semaines, une agence d’une banque étrangère, installée à peine quelques petits mois dans la ville, est venue à la rescousse des enseignants et des administrateurs dans le campus de l’université. Plusieurs jours avant la tenue de cette visite inédite, de visibles affiches ont été collées un peu partout dans les différents sites pour aviser la communauté universitaire d’une rencontre originale pas comme les autres. Quand la banque ACCOURT VERS LE client Tout le monde était quelque peu surpris par une démarche venue d’ailleurs. C’est du jamais vu dans les annales de la place. C’est vrai, qu’à l’étranger, la banque élit domicile à l’intérieur du campus pour y être plus près et à l’écoute permanente de ses clients. Le moindre centime déposé par un fauché étudiant est une aubaine qui saurait arrondir les fins de mois. On se rappelle encore des années 80 où il fallait courir et patienter pour espérer ouvrir un compte bancaire. Il nécessitait une solide intervention, de larges épaules et de fortes connaissances pour acquérir un simple numéro de quelques chiffres, un des sésames vers la citoyenneté. Là où vous le briguez, on vous répondait à l’époque que c’était complet ! Les choses ont agréablement changé, concurrence oblige. Pendant deux journées pleines des 4 et 5 mai derniers, de 9h30 à 16h30, les responsables de cette nouvelle succursale n’ont pas quitté le stand qu’ils ont installé dans le hall du premier niveau de la bibliothèque centrale. Ils ne sont pas venus pour nos beaux yeux mais pour leurs propres intérêts. Et c’est tout à fait normal et logique pour un établissement financier. Même notre maigre solde mensuel retient leur attention. Ces journées portaient le slogan de « journées privilèges ». Pourtant c’était bien avant l’annonce du budget des 286 Milliards de Dollars alloué au plan quinquennal 2010-2014. Ils veillaient au grain. Ils étaient en terrain conquis. Il y avait toute la panoplie de prospectus pour attirer la clientèle universitaire à solliciter l’ouverture d’un compte. D’un même produit que l’on trouve partout, ils te font une merveille, sachant l’habiller convenablement et en l’alliant admirablement de couleurs captivantes. En mission commandÉe Ils étaient disposés et formés à répondre à toutes les questions. Ils étaient également tenus à vous faire remplir un imprimé, à prendre vos coordonnées et noter le numéro de votre mobile pour vous rappeler afin de connaître vos besoins et répondre à vos attentes. Toute bribe d’information recueillie a son importance. Ils ne veulent pas que votre passage à leur comptoir soit passé en cachette. Ils se prescrivent de garder votre trace, en faire une agréable opportunité. Ils étaient là en mission commandée, celle de ramener le plus de clients possibles. Ils flairent que les universitaires constituent le plus gros lot des clients exigeants car ces derniers sont au courant de ce qui se fait sous d’autres cieux. Ces derniers ne peuvent qu’être parmi les déçus de notre système public bancaire. Et c’est de bon augure pour eux comme pour leurs futurs affiliés. Comme on le constate si bien, c’est la banque qui sollicite le client pour un rendez-vous forcé et non le contraire. L’actuelle n’est jamais à vous, elle est encore loin de vous. Aller conquérir la clientèle sur le terrain, c’est un fait habituel dans les pays avancés où la rivalité fait rage mais chez nous il est exceptionnel. C’est presque un événement. Les banques nationales attendent-elles que les banques privées nous harcèlent dans les rues ou qu’elles viennent taper à nos portes pour qu’enfin réagissent-elles ? Ou qu’elles rebondissent le jour où on leur piquera à la source tous les clients déçus par ses services. A l’heure qu’il est, j’en doute fortement. Salaires fixes = point de motivations C’est vrai que dans nos banques étatiques, les salaires sont fixes mais pas variables. Que l’on satisfasse ou que l’on déçoive le pauvre client, c’est toujours la même fiche de paie à la fin du mois. Chez l’autre, plus on attire les clients et plus les primes pleuvent. Moins on rapporte des acquéreurs et plus la note sera salée. Croiser les bras ne rime qu’à la baisse quasi-instantanée des rideaux. Les charges sont énormes comme la location. Il faut bouger pour honorer toutes les échéances. Chez Madame banque publique, on n’a ni loyer à payer ni de grosses charges à chaque fin de mensualités. L’état est là, quasi-présent pour boucher tout trou dans la caisse et subvenir à tout imprévue. On est même ennuyé de recevoir beaucoup de clients. Une clôture d’un compte d’un client déçu ne les émeut jamais. On est presque soulagé qu’ils partent tous ailleurs ! Ils seraient aux anges si notre nombre s’amenuise. Ils attendent tous avec impatience la retraite. Le devenir de l’agence ne les intéresse pas, il n’est point lié à leur avenir. À la pÊche comme À la chasse Quand ces banquiers privés se lèvent tôt le matin, ils vont à la pêche d’un éventuel poisson surtout lorsqu’il est gros et bon à digérer. Ils ne possèdent pas sésame trésor public pour les nourrir et les alimenter à perte et à gogo. Ils doivent apprendre à se débrouiller pour leurs appétits. Ils sont adultes et vaccinés, non des assistés. Ils doivent réfléchir, creuser la tête, bouger, se remuer, se remettre en permanence en cause, faire travailler la cervelle à fond. Ils doivent coûte que coûte trouver le gibier, quitte à aller l’attraper hors de leurs champs, peu importe où, il est le bienvenue même venant du terrain adverse. Ils doivent manger leurs adversaires, c’est comme dans la loi de la jungle. Aucun sentiment n’est toléré, ni ne soit permise une quelconque hésitation. C’est la loi du plus fort sinon ils partiront à la casse. Un simple dépôt de bilan et voilà le redressement de la banque mère qui appuie sur le champignon de la réforme sans le moindre avertissement pour tout faire disparaître sans aucun regret. Aucun écart n’est accepté. Pendant ce temps, nos amis de la banque publique se relaxent dans un profond coma tandis que le désastre les ronge sous leurs pieds. J’ai bien peur que la battue se poursuivra jusqu’à l’intérieur de leurs foyers. Le secteur public se fixe inlassablement sur le traditionnel, le privé table sur la modernisation vitale et utilise pleinement les nouvelles technologies. On devine fort bien le vainqueur logique de l’épreuve. Il travaille sur le long terme. Accueil intelligent et recettes tentantes On est tout de suite subjugué par l’amabilité et l’accueil loin à des années lumières de nos banques vieillies et rouillées par l’archaïsme. Pour moi, jamais de mémoire d’enseignant, je n’ai assisté à un travail de proximité de ce type. Pendant ce temps, les banques publiques somnolent sur leurs lauriers. Elles se croient toujours aux années de plomb. Malgré la décennie K., les banques étatiques n’ont pas encore retenu la leçon. Le cauchemar de la privatisation de la CPA (Crédit Populaire d’Algérie) peut revenir à tout instant au galop. Elles persistent à travailler presque à l’ancienne comme dans le bon vieux temps. Elles demeurent toujours en sursis devant la forte poussée de ces banques qui sont aussi de droit algérien. Pour ceux qui ont l’habitude des banques étrangères, on retrouve presque toutes les recettes pour captiver les clients. Ces établissements financiers habitués au marketing et à un management qui ont fait ses preuves, ne vont trouver aucune riposte sérieuse face à leur déferlement. C’est un terrain vierge à conquérir. Ils tablent sur le long terme. A l’usure, ils ne vont faire qu’une bouchée, un vrai gâteau à déguster en perspective. L’équipe d’en face ne dispose d’aucun joueur capable de tenir la partie face à une équipe expérimentée et qui sait évoluer sur tous les terrains. Tous les services des banques internationales sont proposés avec gestion de votre compte à distance par Internet, virement électronique à un tiers compte, etc.… Un rêve qui peut instantanément se réaliser par un simple engagement. Un simple hochement de la tête et ils seront présents à votre chevet. Lorsque j’évoque la demande d’un chéquier ou l’envoi d’un code bancaire qui n’est venue qu’une année plus tard après avoir galéré et grondé pendant assez longtemps, j’ai envie de m’arracher les cheveux à ne pas s’arrêter. Le frein momentanÉ On s’interroge parfois du pourquoi l’ouverture à l’installation de banques étrangères si les nôtres seront incapables de se mettre à niveau et rivaliser avec les mêmes armes et les mêmes atouts. Se mettre au même diapason des autres, c’est assurer leur survie. Si ce n’est la malheureuse aventure de la banque K. qui a freiné l’ardeur des clients, il y a longtemps qu’ils les auraient quittées pour de bon pour en finir avec leurs habitudes usées. L’ère K. a peut-être sauvé l’échéancier mais pour combien de temps ? Si l’on continue à sévir avec les éternels clichés. Ce qui se passe pour les banques est similaire aux exemples qui se répandent dans les autres domaines et dans les autres activités. Le réveil n’est pas pour demain en persistant à maintenir les mêmes répliques avec des remèdes désuets. |
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