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Ramadhan et diabète : les risques encourus

par Ahmed Saïfi Benziane

Chef du service de médecine interne-diabétologie à l'EHU d'Oran, le professeur Belhadj insiste sur la conduite à tenir pour les diabétiques durant le mois de ramadhan. Il répond à nos questions.

Le Quotidien d'Oran: Il est maintenant établi que le jeûne durant le mois sacré du ramadhan peut entraîner des complications pour un malade du diabète. Qu'en est-il de votre point de vue ?

Professeur Belhadj : Sur le plan médical, il faut préciser qu'en dehors du diabète, il existe plusieurs maladies chroniques qui interdisent de jeûner. L'interdiction est dictée par la maladie elle-même et par les risques liés au changement d'horaires des prises médicamenteuses. Ce dernier facteur est souvent sous-estimé même par les médecins.

Il y a d'autres considérations, pour cette année par exemple, le Ramadhan étant en plein mois d'août ; les sujets âgés, même en bonne santé apparente, doivent faire très attention à la déshydratation (perte d'eau de l'organisme) et ne pas jeûner s'ils présentent par exemple une diarrhée ou des vomissements qualifiés de banals qui peuvent aggraver cette perte d'eau.

Pour revenir au diabète, les malades traités uniquement par l'insuline (diabétiques de type 1) s'exposent à des complications aiguës très graves pouvant aller jusqu'au coma. Les insulines modernes (analogues de l'insuline) offrent plus de sécurité mais ne mettent pas à l'abri de ces complications. Par contre, chez le diabétique de type 2 traité par les comprimés et/ou par l'insuline, le médecin peut l'autoriser à jeûner en adaptant le traitement et en expliquant surtout au malade la conduite à tenir devant un malaise, une hypoglycémie (baisse du taux de sucre) ou une hyperglycémie (augmentation du taux de sucre dans le sang). Mais c'est au cas par cas.

Q.O.: Y a-t-il encore une résistance chez certains malades ?

Pr Belhadj : Il y a effectivement plusieurs types de malades. Seule une minorité accepte purement et simplement sans aucune négociation l'interdit médical de pratiquer le ramadhan. La deuxième catégorie est constituée de résistants qui tiennent à jeûner à n'importe quel prix en faisant même fi de la dispense accordée par Dieu. Pour justifier leur acte, ils avancent le fait qu'ils ont jeûné sans problème les années précédentes. Ce qu'ils oublient souvent, c'est que d'une année à l'autre, ils prennent de l'âge et leur maladie aussi en se compliquant, sans oublier le facteur climatique qui varie d'une année à l'autre. Par exemple, en été, ils s'exposent à la déshydratation, alors qu'en hiver ce risque est exceptionnel.

Ces «résistants» avancent également des arguments sociaux : quelqu'un qui ne fait pas carême se sent exclu de la famille et même de toute la communauté musulmane. Le médecin, confronté à l'obstination de ces diabétiques, a le choix entre l'opposition de son pouvoir médical à un jeûne sacré, qui de toute façon sera largement suivi, et la tendance laxiste permettant des écarts du contrôle glycémique. Il y a certainement une position intermédiaire négociable. Elle est basée sur l'écoute mutuelle et sur l'accompagnement médical quelle que soit la décision du malade.

Enfin, il faut citer une troisième catégorie de malades, qui devant le médecin acceptent l'interdiction de jeûner, mais font le carême en cachette, en diminuant par exemple les doses des médicaments pour ne pas s'exposer à l'hypoglycémie (baisse du taux de sucre dans le sang). Cette catégorie est la plus exposée au risque de complications aiguës parce qu'elle échappe au contrôle médical.

Q.O.: A qui revient la responsabilité en matière de sensibilisation ?

Pr Belhadj : Cette responsabilité est partagée entre les religieux, les médecins, la famille, les amis, l'entourage professionnel et les médias, bien entendu. Les imams jouent un rôle important en rappelant aux malades que Dieu leur accorde une dispense qu'ils doivent respecter en suivant simplement les recommandations de leur médecin. Ce dernier décide en fonction de leur état de santé et du risque potentiel qu'ils courent.

Par ailleurs, le regard de l'entourage ne doit pas faire culpabiliser le malade qui ne pratique pas le jeûne. La famille doit l'aider dans sa prise de décision de ne pas jeûner et lui faciliter le respect des horaires de ses repas et de ses prises médicamenteuses.

Mais toutes ces questions doivent être traitées avant le ramadhan. Le médecin a le temps de demander un bilan complet et de disposer ainsi de tout un faisceau d'arguments pour autoriser ou interdire le jeûne.