Le mois de Ramadhan approche
ostensiblement. A une semaine du début du mois sacré, les Algériens rivalisent
d'ardeur pour faire leurs emplettes. Qui pour le renouvellement de la
vaisselle, qui pour les victuailles, et qui, enfin, pour stocker des denrées
alimentaires devant être consommées durant ce mois d'abstinence, et faire, semble-t-il
des économies. Il est vrai que la période est propice à l'envolée des prix, à
la folie des prix, à la démence saisonnière qui s'empare de la mercuriale des
principaux produits agricoles. Est-ce raisonnable de réfléchir à la manière
d'aborder ce mois béni par la porte du porte- monnaie que plutôt par celle de
la pondération, de la dévotion et de l'amour et l'assistance en ces temps
difficiles à son prochain, son voisin ? En vérité, les Algériens sont pris,
depuis maintenant plus de 40 ans, depuis le fameux PAP, dans une paranoïa de
stockage de denrées alimentaires à l'approche du mois de Ramadhan que tous les
indicateurs économiques s'affolent. Et, à juste raison. D'abord, la
consommation des ménages explose et fait grimper l'indice de consommation à des
niveaux jamais atteints. Ensuite, le commerce de détail des produits
agroalimentaires et agricoles frais atteint des «pics» qui feraient rougir les
économistes des pays développés. Et, last but not least, il y a une telle
circulation d'argent dans le circuit commercial que l'Algérie ressemblerait au
pays de l'Oncle Sam. Tous les indices économiques passent résolument au vert :
l'argent coule à flots, la demande sur les produits agro-industriels et
agricoles explose, les marchés des fruits et légumes fonctionnent à plein
régime, les agriculteurs font des heures «sup» pour approvisionner les marchés
de gros, les limonadiers font du «stakhanovisme» pour abreuver de leurs sodas
les 35 millions et plus d'Algériens. Tout le monde aura le temps de faire ses
affaires durant ce mois sacré. Les industriels de l'agroalimentaire feront de
bons chiffres d'affaires, les marchands de légumes, de Zalabias également, les
épiciers et autres patrons de superettes auront le sourire large, et les
algériens ne rouspèteront que la première semaine de Ramadhan, comme de coutume
contre les prix exagérés des denrées alimentaires. Seuls les éleveurs de «
Ghelmi » sont cette année menacés de ne pas faire de bonnes affaires, ainsi que
leurs collègues spécialistes du bovin. Car cette année, et pour la première
fois, il y aura, après la viande surgelée ou congelée, c'est selon, du Brésil,
de l'Uruguay, du pays de Messi et même de celui de Ribéry et Malouda, de la
viande d'Inde. Dans cette affaire, la question tourne, bien sûr, autour du prix
de la viande rouge, qu'elle soit ovine ou bovine. Mais, il semblerait que les
données de l?économie nationale s'obstinent à fonctionner toujours dans le sens
contraire de la simple logique microéconomique. Pourquoi dépenser des centaines
de millions de dollars pour chercher «far, far away» ce qu'on a chez nous
d'excellente qualité et à des prix que l'on devrait maîtriser. De prime abord,
les bouchers et les marchands de poulets ne devront pas faire de bonnes
affaires durant ce Ramadhan. De prime abord car, en réalité, tous les moutons
et toutes les vaches des Etats indiens réunis ne parviendront pas à égratigner
le moindre centime de bénéfice que gagnent les professionnels de la filière des
viandes rouges. Et particulièrement celui de la viande ovine, même si l'Etat
ira les chercher au prix fort, au détriment d'autres produits névralgiques
comme les médicaments, en Chine. Le «bizness» du Ramadhan, c'est également une
affaire sacrée. Depuis que le Ramadhan existe. C'est aussi son charme, et c'est
cela sa véritable «saveur». Le reste, tout le reste ne sera qu'un lointain
souvenir à la fin.