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Ghazaouet: Le port fait des mécontents

par Belbachir Djelloul

Les habitants de Ghazaouet ont du mal à imaginer un été sans brise-lames. Et pour cause, les autorités viennent de fermer l'accès à toute personne étrangère au port.

« C'est le môle d'Alger, principal passage vers la jetée, rattaché directement au port commercial qui a fait, depuis 2001, l'objet d'un arrêté émanant de la wilaya pour sa fermeture pour des raisons purement sécuritaires», a-t-on appris des autorités locales. Mais depuis 2001 cet arrêté a été mis aux oubliettes et le port ainsi que son brise-lames ont été restitués à la population car depuis plus d'un siècle déjà, elle est liée à ces blocs de béton, été comme hiver, surtout l'été. «Mais a-t-on pensé aux centaines de visiteurs quotidiens, amoureux de la mer qui sont refoulés à l'entrée du port, sans explication aucune, aux dizaines de mordus de la pêche ou tout simplement à des milliers d'enfants qui n'ont comme exutoire, depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'octobre, que le béton de la jetée et les eaux huileuses du port?» nous dira un mordu de la pêche à l'entrée du port. Nous aussi, y sommes refoulés par un agent de la sécurité du port qui nous explique que c'est le wali qui en a décidé ainsi. «Allez à la mairie, l'arrêté y est accroché!» nous lancera-t-il. A la mairie, point d'arrêté. Le brise-lames est, pour les habitants de Ghazaouet, la culture dominante. Il fait partie de leur tradition, de leur quotidien. On y va parce qu'il n'y a pas où aller, d'abord. Mais on y va aussi parce qu'on est en contact avec un élément principal qui leur est vital: la mer. On y va surtout parce qu'on contourne tout simplement les effluves gazeux qui s'échappent de l'une des usines les plus polluantes du pays, pour respirer l'air marin. Comment se fait-il que ce ne soit que maintenant que l'on ait pensé à la sécurité du port? A-t-on réfléchi à des solutions de rechange? Autant de questions que différentes associations se posent et qui resteront sans réponse. Même l'APC n'a rien à dire à ce sujet. Il est vrai que le port doit être sécurisé. Et l'on imagine mal une quelconque catastrophe et son impact sur la région. Cependant, il existe plus de 40 km de côtes dans la daïra de Ghazaouet et pas une seule plage accessible, hormis la station balnéaire de Sidi Youcha (commune d'El-Bor) complètement saturée. Faut-il rappeler, aussi, que la commune de Ghazaouet avec ses 18 km de côtes ne possède aucune plage d'où elle peut tirer profit. «C'est la seule commune côtière dans le pays qui ne possède pas de station balnéaire estivale, une honte», disent certains habitants attristés par le sort qui leur est réservé durant la fournaise de l'été, mais surtout stressés par le fait de ne plus être caressés par les brises printanières de la jetée. Des générations de maires, de chefs de daïra et de walis sont passés là, depuis l'indépendance, sans avoir programmé le défonçage de routes pour l'accès à quelques dizaines de plages encore vierges pour la plupart, et qui feraient les beaux jours du tourisme estival de plusieurs communes. Mais, à Ghazaouet, le tourisme est une autre histoire?

 Ce n'est que vers 19 heures qu'une horde de jeunes, assénés par les rayons de soleil, sont autorisés à l'accès juste pour piquer une tête. D'autres, des amoureux du coucher du soleil et de la pêche sont là, eux aussi pour montrer aux responsables locaux que le brise-lames leur appartient et qu'ils y viendront tous les jours pour montrer que l'infrastructure de loisirs, de tourisme et de culture est inexistante dans la ville la plus polluée du pays. «A Tlemcen, ils ont dépensé des milliards pour construire Lalla Setti. Le brise-lames c'est notre Lalla Setti à nous et il ne leur a pas coûté un sou» nous dira une charmante dame sortant d'une Logan blanche dont la fierté était de montrer aux hôtes qui l'accompagnaient cette digue longue de 1275 m qui fut le premier ouvrage exécuté en 1946 à Nemours ancien nom donné à Ghazaouet.