L'Union européenne prévoit de mettre en application une politique commune
de l'immigration d'ici l'an 2012. Projet déposé par la France en 2008, et qui
ne fait pas l'unanimité. La Belgique qui préside l'UE ouvre les plaidoiries
pour plus de justice sur la question.
Comme si les divergences sur les politiques communes de l'UE ne
manquaient pas (Affaires étrangères, agriculture, justice etc.) voici
qu'apparaissent de nouveaux désaccords entre les 27 Etats de l'Union sur l'un
des sujets communs des plus sensibles, celui de l'immigration. La semaine
dernière (le 15 juillet) une réunion informelle des ministres du Travail et des
Affaires sociales tenue à Bruxelles a mis au grand jour l'extrême difficulté
pour les Européens à traiter de la question migratoire d'une manière cohérente
et?juste. Par la voix de son ministre Joël Milquet, la Belgique qui assure la
présidence tournante de l'UE a proposé de ne retenir à l'étude, pour le moment,
que trois des cinq propositions contenues dans le paquet sur la politique
commune sur l'immigration que la France a fait adopté par le Conseil européen
en octobre 2008, lorsqu'elle présidait l'Union. La Belgique a proposé de
suspendre les discussions sur la révision des procédures d'asile contenues dans
le règlement dit de Dublin II, ainsi que la directive sur les conditions
d'accueil des immigrés. Reste à débattre les droits sociaux des demandeurs d'asile
et des réfugiés ; la coopération avec les Etats tiers et l'adaptation des
normes applicables par les 27 membres de l'Union. Plus encore, les trois points
retenus à la discussion ne font pas l'unanimité. L'exemple de la délégation du
pouvoir d'examiner la motivation des demandeurs d'asile à certains pays tiers,
pourvoyeurs d'immigration, divise les Européens. C'est le cas de l'Italie qui a
instauré ce système avec la Libye et de la France avec le Maroc. Dans les faits
la volonté, légitime par ailleurs, de l'UE à vouloir harmoniser sa politique
d'immigration et d'asile d'ici 2012, ne peut aboutir sans une harmonisation de
son marché intérieur du travail, de sa législation sociale et, vis-à-vis des
Etats tiers, sans une politique extérieure commune. L'UE s'enferme dans une
logique à contresens ou, si l'on veut, met la charrue avant la boeufs. Parce
que certains Etats, et pas des moindres, tels la France ou l'Italie en ont fait
des thèmes à haute valeur ajoutée politique pour leurs besoins électoraux internes,
ils entraînent le reste de l'UE dans un débat sans issue. Par ailleurs, il est
clair que la question migratoire, rappelons-le encore une fois, retenue comme
objectif du Millénaire par l'Onu, ne peut être traitée par petits groupes
d'Etats, y compris par ceux qui se considèrent comme «attractifs» pour les
immigrés. Ne pas associer les pays tiers, dits pourvoyeurs, aux discussions
relève du manque de vision stratégique sur le long terme. Les associer ne veut
pas dire leur «déléguer» le rôle de sentinelles aux frontières externes de
l'UE, comme c'est le cas de la Libye et du Maroc. Associer les pays tiers veut
dire développer avec eux une politique de coopération, d'échange, de solidarité
et d'aide au développement. Tenir compte des intérêts et besoins des uns et des
autres au lieu de se soucier du seul intérêt européen. L'exemple de la
politique d'une immigration «choisie» défendue par la France et l'Italie ne
peut gagner l'adhésion des pays tiers qui la perçoivent, eux, comme une autre
manière de les exproprier de leurs richesses humaines. Bien de responsables
politiques européens diffusent sur la question migratoire un discours ambigu,
stéréotypé et parfois violent. Ils mêlent consciemment ou pas immigration,
asile politique, refuge, insécurité, identité et même crise économique ! Ils
crient à qui veut les entendre que l'Europe ne peut contenir toutes les misères
du monde, alors que le pourcentage de la population immigrée en Europe se
stabilise depuis des années autour des 8, 6 %. A titre comparatif, celui des
USA est de 12, 9 %. Ce rappel des chiffres des Nations unies, confirmés par les
ministères de l'Intérieur de l'Europe est utile pour montrer combien l'Europe
est «terrorisée» par le phénomène migratoire, naturel et vieux comme le monde
par ailleurs. «Une immigration mal maîtrisée peut porter atteinte à la cohésion
sociale des pays d'accueil» peut-on lire dans le document rédigé par Eric
Besson, le ministre français en charge de l'Immigration, qui sert de base de
discussion pour l'Union. Heureusement que l'UE n'a pas atteint les 12,9 % de
populations immigrées que comptent les USA. Cela promet quelques chauds débats
à la rentrée politique et sociale, puisque la question migratoire sera exposée
au Conseil des ministres européens dès le mois d'octobre prochain.