« La situation est grave. On est en face d'un problème de santé publique.
La ville croule sous les ordures. Les maladies liées à l'hygiène en
représentent la principale menace. Une menace qu'illustre parfaitement la
prolifération inquiétante des rongeurs et autres animaux nuisibles. Pourtant,
la sonnette d'alarme a été tirée depuis longtemps, mais à ce jour, la question
n'a même pas été inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'exécutif. Et les
requêtes présentées au comité d'hygiène de la wilaya, n'ont suscité aucune
réaction à ce jour.» L'auteur de cet état des lieux n'est autre que le premier
responsable de la division d'Hygiène et d'Assainissement de la commune d'Oran.
Le docteur Kamel Brekci est, en effet, le délégué communal et le fait qu'il
soit médecin de profession donne à ses propos encore plus de crédit. Le constat
est donc sans appel et concerne une des plus grandes villes d'Algérie : Oran.
Mais la question que beaucoup d'Oranais se posent est comment une grande ville
comme Oran, avec son expérience, ses compétences et ses moyens importants
est-elle arrivée à cette situation ? Multiplication des points noirs et autres
décharges sauvages, des camions de collecte qui ne passent pas pendant
plusieurs jours, défaut de balayage dans certains quartiers et prolifération
des animaux nuisibles, sont autant d'images qui traduisent actuellement cette
situation critique de l'hygiène publique à Oran. Vu son statut de «plus grande commune
d'Algérie», Oran est peut-être la ville qui nécessite le plus d'attention de la
part des pouvoirs publics en matière d'hygiène. A elle seule, la ville d'Oran
produit quotidiennement près de 1.000 tonnes de déchets ménagers en période
basse. En été, ce volume double carrément pour atteindre facilement les 2.000
tonnes. Selon les responsables du secteur, pour espérer assurer une collecte
convenable de ces déchets, il faut disposer de 60 à 70 bennes-tasseuses
opérationnelles d'au moins 12 m3 chacune et bien évidemment le personnel qui va
avec. Or, la DHA dispose aujourd'hui de 48 bennes-tasseuses, dont à peine une
dizaine est, en ce moment, opérationnelle, le reste étant immobilisé pour
réparation. Les travailleurs de la division de l'Hygiène et de l'Assainissement
(DHA) de la commune d'Oran, en dépit de tous les efforts qu'ils ont fournis,
n'arrivent plus à y faire face. Même le minimum requis n'est pas garanti en
matière de salubrité. Dans les moments les plus durs, la DHA est dans
l'obligation de programmer entre cinq et six rotations pour chaque camion afin
de venir à bout des déchets». Une sur-utilisation des véhicules de collecte qui
explique, souligne-t-on, la fréquence des pannes techniques à répétition, et
qui diminue encore plus les performances de la flotte déjà vieillissante de la
division. Survient dès lors la question relative à la maintenance et à la
disponibilité de la pièce de rechange. En dépit de l'importance du budget
consacré par l'APC d'Oran à la pièce destinée à la maintenance, la DHA est
souvent en rupture de stock. Première raison, cet argent est souvent débloqué
avec plusieurs mois de retard, en raison des procédures longues et compliquées
pour l'attribution des marchés dont les coûts dépassent les 8 millions de
dinars. En effet, avant d'être approuvé par l'Assemblée, un marché de cet ordre
doit passer par un avis d'appel d'offres. Il est soumis à la commission
d'ouverture des plis, la commission d'évaluation des offres, et au regard des
services de wilaya pour approbation. Une procédure qui peut durer jusqu'à neuf
mois. Autre raison qui explique la rupture de stock rapide de la DHA, pas moins
de 420 véhicules au total (toutes catégories confondues) consomment cette
enveloppe destinée à la pièce de rechange. Un nombre qui englobe les véhicules
légers et lourds de la DHA, mais aussi ceux des 12 secteurs urbains de la
ville. Pour sa part, la wilaya, intervient aussi par le biais de l'EPIC Oran
Propreté, en mobilisant une vingtaine d'autres bennes-tasseuses. Cette
entreprise publique à caractère commercial, créée en 2004, assure aussi la
collecte des déchets ménagers au niveau de quelques quartiers d'Oran-ville, à
l'instar de la cité USTO relevant de la commune de Bir El Djir, Hai Essabah,
Es-Seddikia, El Othmania, entre autres. L'EPIC est également confrontée à ce
problème des pannes à répétition de ses camions. Un constat d'échec qui fait
craindre le pire pour les toutes prochaines semaines où le volume des déchets
est appelé de passer du simple au double, particulièrement avec l'avènement du
mois de Ramadan. Devant cette difficulté chronique des collectivités locales à
gérer la collecte des déchets ménagers, à Oran, pour des raisons parfois
objectives, il demeure de plus en plus inévitable, aujourd'hui, d'envisager la
concession de cette tâche à des organismes privés qui en feront une profession
à part entière. Une activité qui pourrait bénéficier des différents dispositifs
d'aide aux jeunes pour la création d'emplois pourvu qu'on y mette l'effort
nécessaire pour encourager les compétences qui peuvent proposer de véritables
projets dans un domaine où tout reste désormais à faire. Des demandes sont
émises de jeunes entrepreneurs qui ne trouvent pas de marchés et qui ne
demandent pas mieux que de travailler et d'assumer une mission de service public.
Aucune réponse, pour l'instant, de la part des pouvoirs publics, mais ça
viendra. C'est peut-être le remède à cette «maladie chronique» qui ronge
l'environnement à Oran.