Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Agriculture: Un projet qui dérange bien des intérêts

par Yazid Alilat

Le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, M. Rachid Benaïssa, tient plus que jamais à réformer le mode de production agricole et la mise en place d'un système de jouissance des exploitations agricoles du domaine privé de l'Etat viable.

Autant pour sécuriser les agriculteurs que pour moderniser définitivement le secteur. Dimanche, devant les cadres de son département ministériel, il est revenu sur le sujet de la sécurisation des exploitants agricoles à travers le projet de loi définissant les conditions et modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine de l'Etat. Ce projet, qui a subi plusieurs modifications avant la mouture finale, est actuellement au niveau de la chambre basse du parlement. Bien sûr, ce projet n'a pas que des partisans, puisque il a permis de déterrer de «gros lièvres», notamment dans la destination de milliers d'exploitations agricoles régies par la loi 87/16 de décembre 1987 fixant les modalités de fonctionnement des EAC et EAI. Ainsi, sur quelque 218 000 exploitants agricoles bénéficiaires d'un droit de jouissance sur les terres du domaine privé de l'Etat, ils seraient 11 900 à être confrontés à des affaires en suspens au niveau des tribunaux pour pratiques illégales, dont la principale est le détournement des terres agricoles de leur vocation au profit de tierces personnes moyennant une somme d'argent. «Leur sort sera décidé après le règlement de leurs affaires», a indiqué le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, lors d'une séance plénière à l'Assemblée populaire nationale (APN) mercredi dernier, lors de la présentation de ce projet de loi. Le projet de loi, dont le document peut être consulté sur le Net, est une substitution du droit de jouissance perpétuelle à celui limité dans le temps, d'une durée de 40 ans, une manière d'adapter l'activité agricole à son nouvel environnement financier et économique, indique-t-on au niveau du ministère de l'Agriculture.

 Le nouveau projet de loi devrait enterrer celui adopté en 1987 lors du démantèlement des anciens domaines agricoles socialistes (DAS) pour la mise en place des exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC et EAI), qui avait en son temps permis à beaucoup de nationalisés de la révolution agraire de récupérer leurs terres. Pour autant, l'objectif du ministère est également de débusquer les faux agriculteurs, notamment ceux qui ont détourné les terres agricoles à d'autres fins. Il s'agit également de donner des garanties, avec un contrat-bail, aux banques pour accorder des crédits aux agriculteurs et leur faciliter leurs investissements, avec des possibilités de partenariats pour drainer des capitaux vers le secteur.

 Devant l'APN, le ministre a bien précisé que le projet de loi vise à lever certaines contraintes et à substituer le droit de concession au droit de jouissance au profit des exploitants agricoles individuels et collectifs tout en réunissant les conditions nécessaires à une meilleure intégration dans l'environnement économique et en soutenant les agriculteurs en tant que producteurs. En fait, selon ce projet de loi, les exploitations agricoles collectives et individuelles seront remplacées par des sociétés civiles d'exploitation agricole, et seront soumises à une fiscalité particulière mieux adaptée à l'activité agricole. Selon les statistiques du ministère, les terres agricoles du domaine privé de l'Etat occupent une superficie de 2,8 millions d'hectares, soit 35% de la surface agricole utile. Plus de 2,5 millions d'hectares ont été attribués à plus de 210 000 producteurs organisés en 96 629 exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC et EAI). A coup sûr, il y aura bien des résistances à ce projet de loi, qui dérange bien des intérêts.