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Le Ghana frôle l'exploit, l'Uruguay ressuscité

par Adjal Lahouari

Le Brésil éliminé en quarts de finale par les Pays-Bas, est-ce une surprise ? Oui et non à la fois. Oui parce que sur le vu de son impressionnante prestation face au Chili, la Seleçao a revêtu de nouveau l'habit de favori n°1. Solides en défense, travailleurs au milieu et jouant le contre, les Brésiliens ont montré qu'ils sont venus en Afrique du Sud pour conquérir leur sixième coupe du monde. Non, parce que ce Brésil version Dunga a déclenché la critique générale, et notamment celle des médias brésiliens qui n'ont jamais reconnu leur équipe qui enchantait les foules par son football panache. A qui la faute? A Dunga bien sûr, qui au lieu et place des Pato, Ronaldinho a convoqué des travailleurs comme le vétéran Gilberto Silva, viré depuis deux saisons par Arsenal, Nilmar, Josué, Ramires, Julio Baptista, Thiago Silva, Felipe Melo et autre Kleberson. Certains d'entre eux n'ont fait que chauffer le banc.

Le «style» défensif, rude et sans concession est devenu le label sous les ordres de Dunga. Jusqu'à vendredi, les victoires aidant, le coach des Auriverde était convaincu que sa méthode était la bonne. Pourquoi aurait-il changé ? D'ailleurs même s'il avait voulu faire jouer son équipe d'une autre façon, il n'aurait pas pu transformer la manière adoptée, rappelons-le depuis juillet 2006. En quatre années, des réflexes sont ancrés et dont on ne peut se défaire du jour au lendemain. Les Hollandais, il faut le dire, n'ont pas refusé le combat. Des duels musclés, il y en a eu à profusion. Nous avons comptabilisé 38 coups francs (20 contre le Brésil pour 18 contre les Pays-Bas) mais l'arbitre japonais Yuichi Nishimura a ignoré au nom de la règle de l'avantage une bonne dizaine de fautes.

C'est dire l'âpreté de ce débat où aucune des deux équipes ne voulait faire de concession. On était loin, très loin des accolades entre Gilberto Silva, Dani Alves, Boulahrouz et Van Bronckhorst dans le tunnel avant la sortie des deux formations. Et pourtant, grâce à une passe en profondeur de Felipe Melo qui a pris de court la paire centrale Heintinga-Oojer, le Brésil menait au score. Ce même Felipe Melo, «conseillé» par un coéquipier remplaçant lui demandant, geste à l'appui, de durcir le jeu, allait causer la perte de son équipe. D'abord, en déviant le ballon dans les filets de son gardien Cesar puis en se faisant expulser à la 73e minute.

Mais dès le début de la seconde période, les Brésiliens ont été perturbés par le jeu plus collectif de leurs rivaux du jour. Après l'égalisation batave par Sneijder, ce fut carrément le désarroi, surtout du côté gauche de la défense où Robben par ses dribbles a causé bien des désagréments à Bastos, bientôt relayé par Gilberto. En fin de rencontre, les Brésiliens se sont découverts et ont même failli encaisser deux autres buts sur de franches occasions des partenaires de Kuyt, très entreprenant vendredi après-midi. L'élimination du Brésil ne réjouit personne, sauf ses adversaires bien sûr, mais tout compte fait, c'est une pâle copie du vrai Brésil. C'est Dunga qui en a voulu ainsi. A-t-il seulement vu les chaudes larmes d'un jeune fan de la Seleçao que son père tentait vainement de consoler? Cette sortie peu glorieuse pourrait faire changer quelque chose au niveau du staff technique ? Exit Dunga et son «commando» et place aux créateurs, car, au Brésil, les artistes sont légion !

 Au Ghana aussi, il y a des artistes. Au cours de la décennie 50, il n'y avait pas de couverture des matches par la télévision des pays du continent africain. On devait se contenter des reportages radio. A cette époque où l'information circulait au compte-gouttes, on nous disait «que le Ghana est un pays anglophone». Nous avions déduit logiquement que le football de l'ancienne Gold Coast ressemblait comme un frère jumeau à celui pratiqué en Angleterre. Or, la vérité était tout autre, le Ghana développait un jeu technique, imaginatif, agréable à voir et efficace. C'est en 1963 qu'il s'est révélé au continent en enlevant la CAN avant de renouveler cet exploit deux ans plus tard en Tunisie. Les Acqua, Ofei, Dodo, Mfum, Osei Kofi, Mensah, Sunday, Owusu, Malik, furent les premières vedettes auxquelles succèderont les Paha, Abdurazak, Polo, Afriyie qui remporteront la CAN 1978. En 1982, en Libye, et où débutera le jeune Abedi Pelé, nous avons vu à l'œuvre Alhassan, Asase, Kofi Badu, Quarshie et autre Nti qui arracheront la coupe aux dépens des Libyens.

Avec une rationnelle politique de formation des jeunes, le Ghana est resté au top comme l'atteste sa présence en CAN et en Coupe du monde. Les vedettes de 2010 sont aujourd'hui mondialement connues après leur remarquable parcours. Sans le penalty raté par Gyan, le Ghana aurait été le premier pays africain à atteindre les demi-finales d'une Coupe du monde. Il n'empêche que les Ghanéens ont atteint ce stade en développant leur jeu, qui est technique très collectif et constamment orienté vers l'offensive. On sent que les partenaires de John Mensah ont la joie de jouer, contrairement à certaines équipes défensives qui basent leur jeu sur la spéculation, les contres et? les balles arrêtées. Face aux rudes Uruguayens, les Black Stars ont séduit le monde entier et prouvé que leur présence à ce stade de la compétition n'est pas usurpée. Le public présent au stade de Johannesburg s'est pris de sympathie pour cette séduisante équipe qui a un avenir très prometteur si l'on considère la présence de nombreux jeunes dans son effectif. Un effectif certainement appelé à s'enrichir avec une nouvelle flopée d'excellents footballeurs. Tous les sportifs et amateurs de beau football reverront avec plaisir ce Ghana et ses «Stars» éliminé par la grâce d'une grossière faute d'anti-jeu de la part d'un? buteur, Suarez en l'occurrence?