|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Combien de personnes irradiées au Sahara ? Le ministère français de la
Défense que dirige M. Hervé Morin a pratiquement exclu les irradiés algériens
en laissant entendre que les essais nucléaires français dans le Sahara se sont
déroulés dans des lieux désertiques sans population.
Le ministère français de la Défense estime à environ 150.000 le nombre de travailleurs militaires et civils présents sur les sites d'expérimentation au Sahara et Polynésie. S'agissant des populations autochtones touchées, il considère qu'en Algérie, elle était «pratiquement égale à zéro» car les tirs ont eu lieu «dans le désert» alors qu'en Polynésie, environ 10.000 habitants ont été potentiellement exposés. Cette affirmation sur la population du Sahara paraît cavalière sachant que les effets des essais nucléaires français continuent à se faire sentir à ce jour sur les hommes et sur le terrain qui n'a pas été décontaminé. Il suffit de rappeler à cet effet le témoignage dans le journal Le Monde, en mars dernier, de deux soldats français irradiés, Louis Bulibon et Raymond Sené, pour être édifiés? Présent à In Amguel, lors d'un essai nucléaire mené le 1er mai 1962, sous la montagne du Tan Affela à In Ekker, les deux soldats attestent que la «troupe, les civils et les populations locales présentes sur le terrain ont été lourdement irradiés et contaminés par les retombées de poussières radioactives?». Les deux hommes affirment que durant les lois qui ont suivi «le tir Beryl non confiné, les militaires, y compris ceux qui n'étaient pas considérés comme étant en zone contrôlée, les populations locales, ont été l'objet de contaminations chroniques provenant des poussières chargées de produits radioactifs transportées par les fréquents vents de sable». Les deux hommes s'insurgeaient en fait contre les affirmations du ministre de la Défense, Hervé Morin, selon lesquelles «les doses reçues lors de ces essais étaient faibles». De la minimisation à la négation ? Apparemment, on passe de la minimisation du niveau d'irradiation à la négation des victimes. La France, pour rappel, a effectué 210 essais nucléaires dans le Sahara algérien et en Polynésie. Une loi adoptée en janvier dernier ouvrait - en essayant de limiter le nombre de bénéficiaires - la voie à une indemnisation pour les irradiés des essais nucléaires. Selon cette loi du 5 janvier 2010, « toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret (...) peut obtenir réparation intégrale de son préjudice». Elle concerne les personnes qui ont développé 18 types de cancer avec une limitation des zones géographiques concernées. Dans les zones retenues, les populations concernées sont complètement lésées. «Les zones retenues pour les essais au Sahara contournent les lieux d'habitation des populations sahariennes», déplorent l'AVEN et Moruroa e tatou. Dans le Pacifique, «alors que toute la Polynésie a été copieusement contaminée par 41 essais aériens entre 1966 et 1974, le décret Morin affirme que les nuages radioactifs sont retombés sélectivement sur quatre îles ou atolls et sur quelques communes de Tahiti». Une loi a minima, destinée à imposer un solde tout compte qui avait suscité de vives critiques chez les deux associations de défense des irradiés actives. Les associations ?Moruroa e tatou' et ?AVEN' (Association des vétérans des essais nucléaires) ont dénoncé la liste restreinte des maladies retenues et contesté la composition du comité d'indemnisation dont cinq membres sur huit doivent recevoir l'aval du ministère de la Défense. Le ministère de la Défense français responsable des essais nucléaires devient ainsi «juge et partie». Un décret d'application daté du 11 juin fixe la méthode d'instruction des dossiers par le comité d'experts chargé de l'examen des demandes d'indemnisation. L'indemnisation qui vient en complément de la prise en charge des soins par la sécurité sociale pourrait se situer entre 50.000 et 90.000 euros, selon le ministère français de la Défense. Outre une limitation du nombre de personnes pouvant prétendre à l'indemnisation, la démarche française ignore les effets durables et transmissibles des tests nucléaires à ciel ouvert. |
|