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Les accusés relaxés: Un faux enlèvement à la barre

par M. Abdelyakine

Cinq individus ont comparu jeudi dernier devant le tribunal criminel près la cour de Constantine, dans le cadre d'une affaire de constitution d'association de malfaiteurs, enlèvement avec violence, séquestration et demande de rançon, sur la victime Z. Redouane.

Les incriminés, B. Abdelatif, B. Mourad, S. Yousri, B. Abdellah et D. Hacène, étaient tous présents dans le box des accusés pour répondre de leurs actes. Les faits de cette affaire, selon l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation, remontent à la journée du 25 janvier 2009, au niveau de la commune de Hamma Bouziane, à quelques encablures de la ville de Constantine. En début d'après-midi, la victime attendait le bus au niveau de l'embranchement qui mène vers la wilaya de Mila. Soudain, deux véhicules arrêtèrent à son niveau une Peugeot 405 et une Renault 19, avec à leur bord plusieurs personnes. B. Mourad, l'un des passagers de la R19, descendit. Celui-ci, qui connaissait bien la victime, se dirigea vers elle et lui parla. En voyant descendre les autres occupants du véhicule Z. Redouane est pris de panique et tenta de s'enfuir, mais il fut vite rattrapé et embarqué de force dans l'un des véhicules, puis emmené dans un immeuble à la cité Békira, où il sera séquestré après avoir été frappé et aspergé de gaz lacrymogène. L'accusé B. Abdellatif lui intima l'ordre d'entrer en contact par le biais de son téléphone portable avec sa famille pour lui ramener 40.000 dinars pour sa libération. La victime n'eut d'autre choix que d'appeler ses deux cousins et leur expliquer la situation. L'accord pour la remise de la rançon est donné et le rendez-vous de la remise de la somme exigée fut pris. Entre-temps, les deux cousins de la victime alertèrent les éléments de la brigade de la Gendarmerie nationale de Hamma Bouziane, qui les accompagneront au lieu du rendez-vous. L'accusé B. Abdellatif sera arrêté ainsi que le reste du groupe, à l'exception de leur coaccusé B. Abdellah, en fuite en ce moment-là.

 Durant les étapes de l'instruction, chacun des accusés a apporté une version des faits, mais ils ont tous nié les faits qui leur étaient reprochés. L'accusé B. Mourad déclara ne pas connaître la victime ni l'ensemble du groupe. Quant à l'accusé D. Hacène, il dira que sa voiture de marque R19 a été vendue bien avant cette affaire. Appelés à la barre, les cinq individus incriminés n'apporteront aucun nouvel éclairage dans leurs déclarations, sauf que l'un d'eux, S. Yousri, dira au juge que la victime était son ami et qu'elle était redevable de 4 millions de centimes à l'accusé B. Abdellatif, et que ce dernier voulait récupérer son argent. C'était une affaire de dette entre eux, dira-t-il devant le juge.

 La victime, appelée à la barre, apporta sa version des faits qui était loin d'être convaincante et le juge de répliquer sèchement à l'encontre de la victime « tu es un lâche ! ». La partie civile parlera de catastrophe : un plan a été élaboré dans le temps et dans le lieu, et exécuté avec une répartition des tâches. Le crime était donc établi à l'encontre des accusés. Le procureur, dans son réquisitoire, tout en relevant les déclarations contradictoires des accusés, a requis 20 ans de prison assortis d'une amende de 1 million de dinars pour chacun d'eux.

 Les cinq avocats de la défense se sont relayés pour démonter les chefs d'accusation à l'encontre de leurs mandants et ont demandé les larges circonstances atténuantes, si ce n'est la relaxe pure et simple de leurs clients, car, ont-ils soutenu, le scénario de la victime quant à son enlèvement et à sa séquestration avec demande de rançon est le fruit de son imagination. Après les délibérations, le juge a prononcé le verdict : la relaxe pour les cinq accusés.