|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le chiffre est impressionnant, énorme : on estime que chaque année, entre 20 et 40 milliards de dollars sont volés à leur propre pays par les dictateurs et leurs complices. Le plus souvent, ces sommes astronomiques - elles correspondent au quart de l’aide mondiale au développement économique - prennent le chemin des banques occidentales ou bien encore des établissements installés dans les paradis fiscaux. Début juin à Paris, une conférence intitulée «Pas de refuge pour les biens mal acquis» et organisée par les Nations unies, la Banque mondiale et le gouvernement suisse a permis de faire le point sur ce lourd dossier de la saignée de nombre de pays par leurs propres dirigeants. Des sommes perdues à jamais ? Un autre chiffre permet de réaliser l’ampleur des dégâts. En seize ans, seuls cinq milliards de dollars mal acquis ont pu être récupérés, l’essentiel de ce montant ayant été détourné par les anciens dictateurs Sani Abacha (Nigeria) et Ferdinand Marcos (Philippines). Le premier mériterait de figurer dans le livre des records puisqu’on estime qu’il a dérobé entre 3 et 5 milliards de dollars de 1993 à 1998. Sa méthode ? Gonfler les marchés publics et empocher la différence - ce qui est une méthode quasi universelle - ou, tout simplement, puiser directement dans les coffres de la Banque centrale ! On notera que les fonds récupérés ne l’ont été qu’après la chute des dictateurs concernés. Mais cela ne veut pas dire que c’est systématique. Haïti continue par exemple de faire face à de nombreux obstacles pour récupérer l’argent détourné par la famille Duvalier. De nombreux pays africains sont confrontés aux mêmes problèmes. Il faut d’abord retrouver la trace des sommes détournées ce qui est de plus en plus difficile quand on connaît le degré de sophistication atteint par l’industrie financière, qu’elle soit installée ou non dans les paradis fiscaux. Il faut ensuite arriver à prouver que l’origine de l’argent est criminelle. Longtemps, ce genre de démarche s’est heurté au cynisme des pays du Nord qui tout en proclamant leur engagement dans la lutte contre la corruption, se sont toujours arrangés pour que leurs législations empêchent des restitutions systématiques. Depuis quelques années, sous la pression des ONG, des progrès ont été accomplis. Des pays mis à l’index comme la Suisse, la Grande-Bretagne ou même les Etats-Unis sont jugés plus coopératifs. Mais il n’empêche : récupérer l’argent volé par un dictateur ou sa clientèle relève encore du parcours du combattant. Dans le même temps, d’autres pays comme l’Allemagne et le Japon n’ont toujours pas ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption (Cnucc). Pour de nombreux experts, ce n’est pas un hasard si ces deux pays sont deux grands exportateurs qui ont besoin de garantir des débouchés à leurs produits… Un cas emblématique en France Mais il arrive parfois que des biens mal acquis soient identifiés alors que leurs propriétaires supposés sont encore aux affaires. Ainsi, en France, des plaintes visent ouvertement le président du Congo Denis Sassou N’Guesso ainsi que celui de Guinée Equatoriale Teodoro Obiang sans oublier feu Omar Bongo, l’ancien président du Gabon. La plainte, déposée par des ONG dont Transparency International France, concerne des biens immobiliers situés en France. Sans entrer dans le détail de la démarche, on peut juste dire qu’elle repose sur une question qui a eu son heure de gloire en Algérie : «D’où tenez-vous cela ?» ou encore «Comment avez-vous pu vous payer ce bien immobilier ?». Pour l’heure, la procédure est à l’arrêt tout comme d’autres plaintes déposées aux Etats-Unis pour les mêmes raisons contre dirigeants africains. En matière de lutte contre la corruption, les lignes rouges sont encore omniprésentes... |
|