|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les citoyens qui
espéraient un assouplissement des procédures administratives avec le lancement,
en grandes pompes, par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités
locales, du passeport et de la carte d'identité biométriques, commencent à
désenchanter. Au lieu de simplifier le vécu des Algériens, les nouveaux
documents semblent, au contraire, conforter la bureaucratie.
Les dossiers pour postuler à ces deux nouveaux documents biométriques, allégés pourtant à deux reprises par le ministère de tutelle, suite aux vives réclamations des citoyens, demeurent toutefois encore assez pesants. La constitution des dossiers pour prétendre à ces deux documents biométriques est une tâche des plus ardue pour le citoyen lambda. Le premier obstacle dressé par la machine administrative est l'extrait de naissance n°12 S, une pièce maîtresse dans la nouvelle stratégie de modernisation de l'état civil en Algérie. La quête pour avoir ce fameux document unique, infalsifiable et délivré une seule fois dans la vie, peut facilement basculer au cauchemar. Au service de l'état civil de l'APC d'Oran, la plus grande commune au niveau national, en matière d'intensité démographique (1,5 million d'habitants), seuls deux guichets uniques sont ouverts pour l'établissement de l'extrait de naissance n° 12 S. Dès les premières heures de la journée, avant même l'ouverture de ce service, une foule compacte constituée d'hommes, de femmes et de vieillards, s'agglutine devant la porte principale de l'état civil. Certains lève-tôt sont venus depuis 6h du matin pour être sûrs d'être les premiers à entrer dans le service. Parmi eux, il y a les habitués, des vieux ou des riverains de ce service, qui se sont spécialisés dans la vente des places contre une rétribution. Le prix est négocié, selon l'emplacement, entre 200 et 300 dinars. Avec la montée de la tension sur ce service, le créneau est très porteur. Il est 8h du matin, les agents de sécurité ouvrent la porte principale de l'état civil où des centaines de citoyens s'engouffrent, en même temps, faisant rappeler une scène des années 80 devant une galerie. Les habitués se dirigent directement vers un coin du service pour retirer un ticket numéro avant de prendre place devant les deux guichets uniques. Les responsables du service ont ouvert un guichet spécial pour les hommes et un autre pour les femmes, question de prévenir les bousculades inconvenantes. L'attente devant les guichets pour déposer une demande d'établissement du fameux document peut durer des heures. Ceux qui sont arrivés à 8h15 ou 8h30 peuvent rester toute la journée, les retardataires devront revenir un autre jour. La longue attente fait délier les langues. Les jugements des citoyens sur les nouvelles procédures administratives sont sans appel. Ils estiment que ces nouvelles procédures sont «superfétatoires», «incompressibles» et «compliquées». Nombreux s'interrogent encore sur l'utilité de ces nouvelles dispositions. «Avoir cet extrait de naissance 12 S est un vrai casse-tête. C'est aberrant ! Vous devez vous absenter durant une demi-journée du travail pour déposer seulement la demande», s'exclame ce jeune homme. Il estime que ces nouvelles procédures ont été décidées pour «empoisonner» le quotidien, déjà compliqué des gens. «Sous d'autres cieux les documents biométriques sont synonymes de facilitation et de modernisation, mais ici nous sommes en train de découvrir le contraire. Il vous faut au moins dix jours pour la constitution du dossier d'un passeport biométrique, sans oublier les formulaires que seules les personnes ayant une mémoire d'éléphant peuvent remplir», ajoute, en colère, ce jeune. Du côté de la mairie, le chargé de communication admet l'existence d'une «très forte demande» sur le nouveau document. Il incombe cette situation aux procédures nécessaires pour l'établissement de cet extrait de naissance. «Il y a toute une procédure à respecter», lance notre source. Après le dépôt de la demande par le citoyen, les agents du service consultent le registre original de l'état civil pour vérifier l'authenticité des renseignements avant de les saisir sur le réseau informatique et sur le document qui est transmis au président de l'APC ou à son délégataire pour signature. L'extrait de naissance n° 12 S est signé exclusivement par le maire ou son intérimaire. «La mairie a désigné un vice-président d'APC pour la signature de ces documents. Le service de l'état civil délivre en moyenne 120 extraits de naissance n°12 S par jour (60 pour les hommes et 60 pour les femmes)», précise notre source. 120 extraits de naissance par jour pour une ville de 1,5 million d'habitants! A ce rythme il faudra au moins 20 ans au service de l'état civil, pour l'établissement de tous les actes de naissances des citoyens nés dans la seule ville d'Oran! Cette complication des procédures de délivrance de cet extrait de naissance a dissuadé nombreux demandeurs à se rendre au service de l'état civil pour retirer leurs extraits de naissance 12 S. Fait surprenant, il existe 700 extraits de naissance prêts qui attendent depuis plusieurs semaines d'être retirés de ce service. La bureaucratie, qui semble décourager les plus téméraires, a ainsi eu le dernier mot. Il est à rappeler que l'extrait de naissance original n°12 S est conçu avec un papier sécurisé selon les techniques bancaires et en filigrane on remarque le sceau de l'Etat. Il est imprimé par un matériel adéquat sur un papier spécial et comprenant deux numéros de série. Ce document conçu spécialement pour les documents biométriques électroniques est délivré une seule fois dans la vie par le service d'état civil de la commune mère du demandeur (commune de naissance). |
|