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Sonelgaz : une dynamique de développement sans trésorerie conséquente

par Ali Bouazid

Le Groupe Société algérienne de l'électricité et du gaz «Sonelgaz» a bouclé l'année 2009 avec de mauvais résultats financiers prévisibles. Les résultats de l'exercice 2009 rendus publics hier le confirment.

La deuxième entreprise publique d'Algérie après la Sonatrach passe par une nécessaire phase d'investissements. Avec le gel des tarifs décidé par les pouvoirs publics, cela explique cette situation globale.

Dans l'Algérie de 2010, électrifiée à 98%, on consomme de plus en plus d'énergie électrique. La population augmente, la demande aussi. Alors, la Sonelgaz - aujourd'hui un grand groupe qui outre la maison mère compte 33 sociétés filiales et 6 sociétés en participation directe - doit prévoir pour assurer efficacement la continuité du service public de l'électricité et du gaz. Cette entreprise publique, qui a été une école pour de nombreux cadres de haut niveau, est devenue une institution avec sa culture des prévisions, sa prospective.

Toutes ces études ont démontré la nécessité incontournable d'investir dans les moyens de production pour être en phase avec le développement de l'économie et de la société. Conséquence de ces projections : de lourdes dépenses doivent être engagées. Des investissements sont en cours de concrétisation, d'autres le seront prochainement dans le cadre du plan de développement 2010-2020 pour lequel il faudra 1 800 milliards de dinars, dont 85% seront à la charge de la Société de Production de l'Electricité (SPE, une filiale).

Sur cette prochaine décennie, l'enveloppe financière du programme de développement global est estimée à 3 576 milliards de dinars. Elle inclut le volet production électricité évoqué, ainsi que le transport de l'électricité, le transport du gaz et la distribution de l'électricité et du gaz.

Plan d'urgence

Durant l'année dernière, plus de 240 milliards de dinars (176% du chiffre d'affaires énergie) ont été consacrés à l'investissement. Le Groupe a exécuté un plan «d'urgence», «l'un des plans les plus importants jamais réalisés dans des délais aussi courts et dont le principal enjeu était d'assurer la couverture de la demande en énergie de l'hiver 2009 et de l'été 2010».

 Dans ce cadre, il y a eu la mise en service de 6 centrales électriques de type « turbines à gaz » (Arbaa, Relizane, Aïn Djasser, M'sila, Annaba et Alger Port) totalisant une puissance de près de 2 000 MW auxquels sont venus s'ajouter les 1 200 MW de la centrale de type «cycle combiné» de Hadjret Nouss. En une année, les capacités du parc de production nationale ont été renforcées de 42%. Au sud, la capacité installée a été augmentée de 9%, par rapport à 2008.

Grâce à ces réalisations, souligne le Groupe Sonelgaz, «la puissance installée totale, à fin 2009, a atteint 11 324MW dont 8 438MW sont générés par les centrales de SPE, Société de Production de l'Electricité». Cette dynamique permet de garantir, au mieux, la disponibilité de l'électricité et du gaz, deux produits indissociables du quotidien des algériens dont, à la moindre coupure, ils mesurent le confort qu'ils procurent. Pour l'électricité, on dénombre six millions et demi de clients. L'argent qu'ils déboursent pour régler leurs factures est loin de suffire à couvrir le prix de revient de cette énergie.

Une année 2009 très difficile

L'année passée a été pour le groupe une année très difficile en raison de l'importance du niveau des dépenses d'investissement et le gel des tarifs, indique-t-on officiellement à l'occasion de la publication des comptes sociaux. Le chiffre d'affaires de l'exercice 2009 de l'ensemble des sociétés du Groupe Sonelgaz (y compris les filiales travaux, périphériques et participations) est de 224,7 milliards de dinars.

 L'Etat a facilité l'octroi de crédits à long terme et à taux bonifié. Mais cela n'a pas suffi car pour financer la totalité des investissements, Sonelgaz a dû recourir à l'endettement de court terme (découvert bancaire de 165 milliards de dinars), dont le coût est en moyenne le double de celui des crédits à long terme. On se souvient que le découvert bancaire du groupe Sonelgaz, estimé à 200 milliards de DA au mois de mars 2010, devait être pris en charge par le Trésor et converti en apport de capital. Un Conseil interministériel en avait décidé ainsi pour assainir la situation financière de Sonelgaz.

L'Etat a également décidé de financer les investissements du groupe pendant une durée de 20 ans avec un différé de 10 ans sur la base d'un taux d'intérêt de 3,75%. La dette de Sonelgaz est estimée à 360 milliards DA. La hausse des tarifs de 10 à 15% réclamée par Sonelgaz pour parvenir à un autofinancement de son programme dans une proportion de 30% n'a pas été retenue. Pourtant, plusieurs économistes et financiers estiment que tôt ou tard il faudra appliquer, sinon se rapprocher, de la réalité des prix dont on est loin aujourd'hui.

Des tarifs bloqués et des mauvais payeurs

Ce manque à gagner étant consenti sur injonction des pouvoirs publics, la dégradation de la situation financière de 2009 a été aggravée par les obstacles que rencontrent les sociétés de distribution pour recouvrer leurs créances. Les mauvais payeurs se recrutent chez les PME-PMI et chez l'Administration (22% chacun), les particuliers (28%) et même les sociétés des eaux (6% !). A cela s'ajoutent les pertes d'électricité des sociétés de distribution (SDA, SDE, SDO et SDC) qui ont atteint 20,5% en 2009, soit une hausse de 15,6% par rapport à 2008. A part les pertes techniques estimées à environ 10%, les autres pertes sont essentiellement dues au phénomène de fraude et de vol d'énergie. Quand bien même on mettrait fin à ces larcins, cela ne représente pas des sommes en mesure de combler conséquemment la trésorerie du Groupe.

Ces difficultés, reconnaît en substance le management, se sont traduites comme cela a été déjà prévu et annoncé, par un résultat d'exploitation consolidé de toutes les sociétés du Groupe, déficitaire de -14,5 milliards de dinars. Le résultat net consolidé est en baisse constante depuis maintenant quatre années, souligne-t-on comme pour tirer la sonnette d'alarme. Autre chiffre parlant, il est établi sur la base d'un périmètre de consolidation comptable formée de 13 entreprises (dont la SPE et des sociétés de distribution) : - 4,6 milliards de dinars de résultat net en 2009, contre 139 millions de dinars en 2008 soit une évolution en baisse de - 4,8 milliards de dinars.

Par contre, l'année 2009 a été bonne pour 3 000 personnes recrutées en tant qu'agents permanents tandis que 10 600 autres ont eu le statut d'agents temporaires. Ces créations d'emploi résultent de la dynamique de développement dans laquelle est complètement impliqué le Groupe avec le soutien de l'Etat. Grâce à l'augmentation de la «puissance installée», il n'y a eu aucun problème notable d'alimentation en électricité. Mieux, la pointe de consommation - habituellement enregistré en hiver - a complètement glissé pour se retrouver en été, au moment des grandes chaleurs, révélant ainsi un usage massif des appareils de climatisation. Outre le lancement d'un grand projet d'industrie solaire avec «Rouiba Eclairage», Sonelgaz récupère la société AMC d'El-Eulma, spécialisée dans la fabrication des compteurs et appareils de mesure. Elle réserve à la formation plus de 9,2% de la masse salariale, soit 1,4% du chiffre d'affaires. Parallèlement, Sonelgaz travaille avec des universités et des laboratoires nationaux sur de nombreux projets qui permettraient, à terme, «aux sociétés du Groupe de se libérer des systèmes et technologies propriétaires».