Peut-on «marquer» un zéro en football ? Oui disent les
Algériens. Zéro est un score que l'on peut inscrire contre son adversaire. Selon
une mythologie identitaire, les «Arabes» ont inventé le zéro. Conclusion ?
L'équipe ? blonds, bruns, mats - des Algériens vient de le réinventer. Un zéro
magnifique, honorable, nationale, le plus beau zéro obtenu par un pays depuis
l'indépendance. Contrairement à ce qu'on nous a toujours enseigné dans les
écoles, le zéro peut être un score. Il faut donc redéfinir à nouveau ce chiffre
et savoir d'où il vient et comment nous l'avons regagné. Le zéro, selon
Internet, ce nouveau système de défense algérien est né sous le nom de Sifr,
devenu zefiro en italien et zéro en langue occidentale. Selon Wikipidea, c'est
«un symbole marquant une position vide dans l'écriture des nombres en notation
positionnelle». Une phrase à mâcher tout doucement. C'est donc un objet
mathématique qui «exprime une absence». Il est indivisible et ne divise
personne. A bien lire, le zéro a été d'abord babylonien, puis indien, avant
d'être arabe, italien puis occidental, puis anglais et, enfin, algérien. Sauf
que le zéro anglais ne ressemble pas au nôtre. Le leur est une soustraction, le
nôtre est une addition. Nous, on vient de l'axe moins l'infini vers zéro, eux,
c'est le contraire : ils se rétractent de plus cinq vers le zéro. Donc notre
zéro est â fêter et il l'a été : il nous a fallu du temps, de l'effort, des
joueurs motivés, le film de «la bataille d'Alger» visionné en Afrique du Sud et
4000 supporters pour y arriver. Le vide peut être l'objet de toute une vie,
comme vous le diront Buddha et Saadane.
Donc nous sommes
fiers de notre zéro. Il est beau, bien tracé et racé, il ressemble à une
auréole ou un gros dinar céleste. C'est un bon commencement. Avec un zéro à
gauche de un, on peut gonfler un chèque ou acheter une route, ou vaincre les
anglais, ou avoir son bac ou dire une insulte en binaire. Dans la phrase de
«one, two, three», il n'y pas de place pour le zéro mais ça ne fait rien,
justement. Quand on inscrit un zéro, on en inscrit déjà dix mille sans que
personne ne vous démente. Ce zéro a donc été chanté, klaxonné et revendiqué
comme une victoire. Du point de vue mathématique, c'est une absurdité et une
misère si un peuple en arrive à fêter le vide comme une joie pleine. Mais du
point de vue de l'architecture du monde et des rapports de puissance, nous
revenons de loin déjà. Du pays où on ne comptait pas, vers le pays où on peut
compter au moins un zéro. Etrange phrase : on ne peut dire «zéro» mais
seulement «un zéro». Il y a toujours un Un qui lui tient la main pour qu'il ne
se perde pas dans l'infini.