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Filière lait: L'Etat veut reprendre les choses en main

par Yazid Alilat

Après plusieurs années d'accalmie, la filière lait, dont le chiffre d'affaires global des transformateurs et producteurs de produits dérivés est de plus d'un milliard de dollars par an, revient au devant de l'actualité nationale.

Par la petite porte, puisqu'une pénurie des approvisionnements de lait en sachet a été enregistrée, la semaine dernière, un peu partout sur le territoire national. Un conflit entre des producteurs laitiers et l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) a dégénéré en une immense pénurie, qui a rappelé à certains les mauvais souvenirs des années 90. L'origine du conflit est que l'Onil avait décidé de baisser de moitié les quotas de conditionnement de lait en poudre accordés à certains producteurs, pour encourager l'utilisation par ces producteurs du lait cru, produit localement. Mais, la décision de l'Onil a provoqué un arrêt de travail chez 10 des quelque 80 producteurs, avec toutes les conséquences d'une pénurie, qui a fait réagir les pouvoirs publics pour rappeler à l'ordre certains transformateurs.

 Suffisant pour que le ministre de l'Agriculture intervienne et rappelle à tous, que les objectifs du gouvernement restent maintenus, à savoir: une réduction, de plus en plus importante en 2010 et les années prochaines, des importations de poudre de lait pour la production de lait en sachet, et l'encouragement de la production locale de lait cru. Pour M. Rachid Benaïssa, il est vital que la tendance soit inversée, et les producteurs et transformateurs de lait et produits laitiers se tournent davantage vers la production nationale de lait cru, et diminuent leur recours à la poudre de lait, dont l'enveloppe financière, en 2009, a été de 862,76 millions de dollars, contre 1,28 milliard de dollars en 2008, en baisse de 32,5%. Le ministère de l'Agriculture veut arriver à un taux d'intégration du lait cru de 35%, soit 550 millions de litres en 2010, contre 18% en 2009, représentant une production de 400 millions de litres. Jeudi en marge d'une séance plénière à l'APN, M. Benaïsa a indiqué que «les différents acteurs de la filière lait sont en négociation pour arrêter un des mécanismes en vue de diminuer l'importation de poudre de lait et augmenter le taux d'intégration du lait cru dans la production nationale». «Il s'agit de trouver le meilleur moyen pour, d'un côté approvisionner le marché de manière régulière, et de l'autre augmenter l'intégration du lait cru dans la production et diminuer ainsi l'importation de poudre de lait», a-t-il ajouté. Le ministre a ajouté que sur les 80 laiteries qui s'approvisionnent auprès de l'Onil, 70 ont déjà trouvé un compromis sur la réduction de l'utilisation de la poudre et l'augmentation du taux d'intégration du lait cru dans le lait en sachet. Les 10 autres unités, qui ont pris leurs quotas (de poudre de lait) du mois de juin, sont en discussion avec le comité interprofessionnel du lait (CIL), a-t-il ajouté. Le ministre a souligné également que la réduction des quotas n'est pas encore appliquée, puisque la commission de régulation chargée de ce dossier, au niveau du CIL, n'a pas encore rendu publiques ses conclusions. En 2009, la subvention de l'Etat à la filière lait a été de 12 milliards de DA, qui se décompose comme suit: 12 DA/litre à l'éleveur, 5 DA/litre au collecteur et 4 DA/litre pour l'intégration du lait cru dans la production du lait en sachet, qui reste également subventionné et dont le prix est toujours fixé à 25 DA/litre. D'autre part, l'utilisation par les laiteries du lait cru a permis à l'Onil de diminuer la facture des achats de poudre de lait, les importations étant passées, entre 2008 et 2009, de 145.000 tonnes à 120.000 tonnes, et devraient s'établir à 100.000 tonnes en 2010, l'objectif étant d'arriver à une baisse annuelle de 10%, d'ici à 2014. En parallèle, le nombre de vaches laitières importées par les éleveurs est passé de 1.200 génisses en 2008 à 14.000 en 2009 et 13.500 jusqu'à juin en cours, selon le ministre de l'Agriculture. Mais, sur un autre registre, les importations de lait en poudre passent actuellement par les fourches caudines des services de contrôle des douanes, selon un responsable des douanes algériennes, qui a indiqué la semaine dernière, de l'ouverture d'enquêtes sur cette filière. Le directeur central du contrôle a posteriori à la DGD, M. Benamar Regue, a indiqué que les douanes ont lancé une opération nationale de contrôle touchant les transformateurs de lait en poudre et particulièrement ceux bénéficiant des subventions de l'Etat, afin de vérifier si la réglementation en vigueur a été respectée. Les premiers éléments d'information révélés par cette opération laissent apparaître «des pratiques frauduleuses avérées, particulièrement par le recours à la majoration des factures d'importations de lait en poudre», a-t-il dit. L'enquête se poursuit et toucherait beaucoup d'opérateurs de cette filière, une vraie «vache à lait» et que les pouvoirs publics voudraient assainir définitivement.