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Les Algériens auraient-il
perdu le sens de l'humour ? C'est ce que l'on est en droit de se demander après
les réactions qui ont suivi la publication d'un article du quotidien français
Libération à propos du match Algérie ? Slovénie dont il est inutile de rappeler
le score final? (*) Signé par le dénommé Matthieu Pecot, le papier en question
a provoqué l'indignation de nombre de lecteurs qui ont hurlé au racisme et dont
certains se sont même regroupés sur facebook sous le label suivant : «
L'Algérien t'emm? Matthieu Pecot, journaliste de Libé ». Rien de moins ! La
levée de boucliers a été telle que Libération a finalement décidé de présenter
ses excuses et de retirer l'article en question, y compris de ses archives
payantes.
Quel crime a pu bien commettre ce journaliste ? Il a tout simplement rendu compte de la défaite de l'Equipe nationale (EN) contre la Slovénie en ayant recours à un humour quelque peu corrosif et outrancier qui est resté en travers de la gorge de nos concitoyens au nationalisme ombrageux. Ainsi, il a d'abord qualifié le match en question d'un « peu mou, un peu chiant, un peu con. » Propos vulgaires mais qui peut dire le contraire ? Combien sommes-nous à avoir failli nous endormir devant cette parodie de football ? Où était passé le jeu à l'algérienne ? Mais passons. Pecot a ensuite donné des notes aux joueurs de l'EN, le tout agrémenté par des commentaires, certes acides et moqueurs, mais non dénués de perspicacité. Prenons par exemple le cas Chaouchi qui a obtenu la note de 4 sur 10. Citation complète : « Le gardien de l'ES Setif est surnommé Higuita en référence à son côté spectaculaire et à ses prises de risque débiles dans le jeu au pied. C'est sans doute aussi le fantôme de la légende colombienne qui l'a sommé de faire n'importe quoi avec ses cheveux. On se demande en revanche qui a bien pu lui conseiller de tartiner ses gants de margarine ». Autre exemple, concernant Ziani (3 sur 10) : « si un leader doit montrer l'exemple, alors Ziani devrait commencer par éviter cette coupe de cheveux vomitive (rasé autour, brun à la racine, jaune dessus). Puis troquer son pantacourt pour un vrai short. Après, seulement, l'ancien Marseillais pourra penser à jouer. » Dernier exemple, le commentaire à propos de Yebda (7 sur 10) : « Blond platine, DJ ! Le régulateur du jeu algérien, c'est lui. Il ambiance, donne le ton, balance le beat, oriente le jeu. Meilleur joueur de son équipe, facile. » C'est effectivement (un peu) méchant. Ce n'est guère respectueux mais ce n'est pas non plus dénué de bon sens. Disons-le simplement, le look des « fennecs » ne nous fait guère honneur. De fait, il y a une question que je me pose depuis un bon moment, avant même la qualification des Verts à la Coupe du monde. Je me demande pourquoi nos joueurs sont aussi vilains dans leur aspect physique. Pourquoi diable cherchent-ils à autant s'amochir ? Des crânes rasés, des têtes d'Iroquois, des cheveux teints en blond (beuark !) : c'est vraiment la foire au look de mauvais goût. Bien sûr, chacun est libre de se peinturlurer la tête ou de s'arracher les sourcils mais nos joueurs devraient s'imposer une certaine retenue car ils représentent aussi leur pays et leurs concitoyens. Pour la plupart, les titulaires de l'EN semblent prendre un malin plaisir à s'enlaidir. On me dira que c'est la mode du moment (même si les teintures blondes remontent plutôt à la fin des années 1990, notamment à l'époque où les coureurs cyclistes se décoloraient les cheveux). Prenons une photographie de l'Equipe nationale dans les années 1970, 1980 ou même 1990 et comparons-la à celle du onze entrant face à la Slovénie. De tout temps, la mode du moment a effectivement pesé sur les looks des uns et des autres (ah, le temps de la boule afro ou des brushings?) mais je suis persuadé que l'on n'a jamais atteint un tel degré de laideur, de vulgarité et de mauvais goût par rapport à aujourd'hui. A regarder certains titulaires de l'EN, on a plus l'impression qu'il s'agit de figurants pour la série Prison Break que de joueurs de football. Les Belloumi, Assad, Madjer, Dahleb et autres étaient beaux, fringants, racés. On ne peut pas en dire autant de leurs successeurs actuels? La pique du journaliste de Libé à propos du short de Ziani mérite-t-elle aussi réflexion. Mais quel est donc le pervers qui a conçu les tenues de l'équipe nationale ? Déjà, lors de la Coupe d'Afrique des Nations en Angola, les shorts tombaient en permanence, découvrant, dans le meilleur des cas, les caleçons des joueurs. Je sais, c'est une mode. Tous les matins ou presque, je croise des ados dont le pantalon glisse à ras de postérieur. Mais tout de même ! Et que dire de ces maillots moulants qui rendent seins et bides proéminents? Mode gay en provenance directe des boîtes de nuit d'Ibiza, me dit-on. Il paraît aussi que ça se vend bien et que cette tendance fait des ravages autant des les banlieues de Paris qu'en Algérie. Pour vous dire la vérité, je préfère de loin la tenue made by Sonitex en 1982. Mais peut-être n'est-ce là que l'avis d'un has been? Une amie, ancienne élève de l'école des Beaux-arts d'Alger, m'a dit un jour que l'un des problèmes majeurs des Algériens était leur manque de goût et leur incapacité à penser et à défendre le beau. Cela se retrouve dans notre urbanisme chaotique, dans nombre d'intérieurs rococo façonnés par les feuilletons égyptiens mais aussi dans l'aspect vestimentaire où le négligé et le débraillé règnent en maître (ah, le règne des claquettes et autres savates dès les premières chaleurs?). Quand Pecot écrit à propos de Saâdane : « Survêtement, casquette, moustache pour le sélectionneur. La trilogie du blédard. Noiera son chagrin dans un verre de Selecto », il se moque un peu de nous mais il fait aussi mouche. Cela devrait nous inciter à en rire mais aussi à réfléchir à notre rapport compliqué aux arts, à l'élégance et à l'esthétique. (*) Notes Salées pour l'Algérie, Libération, 14 juin 2010. |
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