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Un remaniement, et alors ?

par Kharroubi Habib

Ces derniers temps, des confrères, s'autorisant desources «bien informées», wont avancé que le président de la République s'apprêterait à procéder à un remaniement gouvernemental. Apparemment encore mieux informé, celui du quotidien «Le Soir d'Algérie» a même rapporté hier que l'annonce du changement sera faite ce week-end, très probablement aujourd'hui jeudi.

 Nul doute que la supputation a dû mettre en émoi les cercles où se côtoient ceux qui craignent de faire les frais de l'opération prêtée au chef de l'Etat et ceux qui, au contraire, l'espèrent secrètement car s'estimant remplir les critères pour faire partie des «heureux nouveaux élus». Au-delà de ces cercles, elle ne suscite que de l'ironie désabusée sur une éventualité qui, si elle vient à se confirmer, est perçue par de nombreux citoyens comme ne devant se traduire que par des changements «des Si Moussa El-Hadj par des El-Hadj Si Moussa».

 Ce qui n'est pas faux car, à part l'arrivée de nouvelles têtes à des postes ministériels, en quoi chez nous un remaniement gouvernemental a de l'incidence sur le mode de gouvernance du pays ? En strictement rien, du moment que les nouveaux promus proviendront des mêmes sérails que les partants et seront choisis pour les mêmes raisons qui ont fait distinguer leurs prédécesseurs.

 D'aucuns peuvent arguer qu'un remaniement, voire un changement gouvernemental plus large est indispensable à certains moments, ne serait-ce que parce qu'il faut aux véritables détenteurs du pouvoir donner l'illusion que le pays va entrer dans une nouvelle étape au plan politique ou économique ou pour les deux à la fois.

 Sauf que l'opinion publique, instruite par l'expérience, ne se laisse plus prendre aux tours de «passe-passe» que sont chez nous les remaniements gouvernementaux. Les citoyens ne voient pas la nécessité du changement annoncé. Non pas parce qu'ils sont satisfaits du bilan de l'équipe ministérielle en place, mais par conviction que ce changement n'est pas dicté par une volonté de rupture avec un mode de gestion et des pratiques que de nouveaux arrivants vont perpétuer inévitablement.

 La théorie du «fusible», qui est mise en pratique sous d'autres cieux quand le pouvoir en place sent de la désaffection à son égard dans son opinion publique, ne joue plus chez nous du moment que ceux qu'elle est censée préserver ne maintiennent même pas les apparences pouvant donner à croire qu'elle a du sens. Quand le Président s'est décrété tout à la fois chef du gouvernement, superministre pour chaque département, qu'il tranche et décide pour tout en chacun de ces départements, qu'est-ce alors que les titulaires officiels du poste, si ce n'est que des courroies de transmission. Difficile dans ces conditions de leur coller les ratés ou les échecs de l'action gouvernementale, surtout quand par ailleurs les résultats de cette action sont dans le même temps présentés en tant que bilan positif du pouvoir.

 Qu'il y ait donc changement ou non de gouvernement, là n'est pas l'essentiel pour beaucoup d'Algériens, du moins tant que le mode de gouvernance restera ce qu'il est. Rien n'indique que celui qui l'a instauré veuille le changer autrement qu'en remerciant les uns et en appelant d'autres façonnés au même moule que ceux qu'ils remplacent.