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QUESTIONS POUR UN PLAN

par K. Selim

Le programme d'investissements pour la période 2010-2014, adopté lundi lors d'une réunion du Conseil des ministres sous la présidence du chef de l'Etat, représente un volume d'engagements financiers de plus de 20.000 milliards de dinars, soit environ 286 milliards de dollars.

 Ce programme colossal s'articule autour de deux volets, la finalisation des projets déjà entamés, notamment dans les secteurs du rail, des routes et de l'eau, pour un montant de 9.700 milliards de dinars (environ 130 milliards de dollars), et d'autre part le lancement de nouveaux projets estimés à 11.534 milliards de dinars (près de 156 milliards de dollars).

 Le programme est articulé autour du développement humain : 40% des engagements sont destinés au secteur de l'éducation, qui bénéficiera notamment de 1.000 collèges et 850 lycées, de 600.000 places pédagogiques universitaires et de 400.000 places d'hébergement pour les étudiants.

 L'annonce est impressionnante. Des experts officiels se rengorgent en confiant à l'APS qu'il s'agit du «plus fort niveau de financement public jamais réalisé par l'Algérie depuis le recouvrement de l'indépendance du pays».

 Les montants annoncés et l'orientation résolument sociale des nouvelles dépenses sont effectivement impressionnants. Mais, sans jouer les cassandres, force est de reconnaître qu'une partie non négligeable de cette enveloppe servira à finaliser des projets infrastructurels engagés par le programme précédent de 150 milliards de dollars.

 Point n'est besoin de se livrer à de savants calculs pour aboutir à la conclusion que les programmes précédents ont généré des surcoûts ou des révisions particulièrement importantes. Nul n'ignore en effet que des études souvent insuffisantes et des prestations de qualité inférieure à celles attendues ont grevé substantiellement les programmations initiales.

 Si l'orientation sociale est salutaire, notamment en direction des jeunes, la question clé est celle de l'efficacité économique des investissements envisagés. On a vu que le précédent programme n'a pas beaucoup influé sur l'évolution du PIB et que les infrastructures réalisées n'ont que faiblement modifié la courbe du chômage. Le patronat dans ses diverses composantes s'était insurgé, peu ou prou, contre des options d'investissement qui faisaient la part trop belle aux entreprises étrangères. Il convient donc d'attendre les modalités précises de cette programmation en termes d'allocation des budgets et de modes de sélection des partenaires appelés à répondre aux appels d'offres.

 Il faut espérer que cette nouvelle phase d'injection de capitaux publics dans l'économie soit l'occasion d'une modification qualitative de la démarche. Les entreprises algériennes, publiques ou privées, auront-elles le beau rôle dans une pièce dont le premier acte s'est joué globalement sans leur présence ? Quelle est la part de ce programme allouée à la mise à niveau des entreprises, au renforcement de leurs moyens ? Quid des incubateurs de start-up qui pourraient trouver dans ce mégaprogramme l'opportunité de lancer une nouvelle génération d'opérateurs ?

 L'importation d'infrastructures « clés en main», comme tout un chacun a pu le constater, n'est pas une garantie de fiabilité, tant en termes de qualité des prestations que d'évitement d'aléas judiciaires?

 Dans un contexte mondial où la récession se profile, les questionnements méritent réponse. Transformer ce programme en moteur de croissance est tout l'enjeu des années à venir.