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UNE REBELLION ETHIQUE

par K. Selim

Une petite victoire des pauvres contre les grands laboratoires pharmaceutiques a eu lieu vendredi à la 63e Assemblée mondiale de la santé de l'OMS où, une fois n'est pas coutume, les pays du Sud ont donné de la voix et fait preuve d'une grande détermination.

 Le couple Brésil-Inde a guidé cette rébellion contre une direction de l'OMS que l'on a vue, avec la douteuse affaire de la grippe porcine, très encline à n'écouter que les lobbys industriels. La bataille a porté sur la contrefaçon de médicaments dont les pays du tiers-monde sont les plus grandes victimes, mais que les lobbys de l'industrie pharmaceutique essayaient d'instrumentaliser pour bloquer le développement des génériques. Les deux grands pays émergents ont mis en cause avec vigueur un partenariat établi avec le Groupe international de lutte contre la contrefaçon de médicaments (IMPACT), représentant notamment des entreprises pharmaceutiques.

 Il est d'ailleurs étonnant de constater que l'OMS accepte le mélange des genres dans un domaine où les intérêts commerciaux des groupes industriels pouvaient largement prévaloir sur la santé du plus grand nombre. Ce poids des industriels, financièrement intéressés, pouvait amener à la démarche perverse qui consiste à se saisir de la contrefaçon des médicaments, pratique criminelle à tout égard, pour en faire un bouclier contre la diffusion du générique.

 L'actuelle présidente de l'OMS - dont la démarche anormalement alarmiste sur la grippe porcine a été si juteuse pour les laboratoires pharmaceutiques qu'elle suscite de franches suspicions - a essayé de botter en touche. Avec un argument pauvre : la décision de mettre en place le groupe Impact avait été décidée avant sa nomination à la tête de l'organisation. Elle s'est attiré une réplique de bon sens de la part du délégué kenyan : «Si vous n'êtes pas satisfait dans un mariage, vous demandez le divorce!».

 L'esquive de la directrice de l'OMS n'était de toute façon pas de nature à amener les pays du tiers-monde à renoncer à leur exigence d'une mise en place d'un groupe de travail sur la contrefaçon qui ne serait pas sous influence des lobbys.

 Leur combativité a payé. Les pays du Sud ont obtenu, après des tractations marathons, à ce que l'OMS réexamine ses relations avec le Groupe international de lutte contre la contrefaçon de médicaments (IMPACT). La résolution adoptée invite la directrice de l'OMS «à créer un groupe de travail ouvert aux Etats membres qui travaillera sur la lutte contre les médicaments falsifiés».

 La résolution met également fin à la définition léonine de la notion de contrefaçon qui était vivement dénoncée par les ONG humanitaires. Le texte indique que l'OMS doit combattre les contrefaçons de médicaments sous la seule optique de la «santé publique», tout en excluant les «considérations commerciales et de propriété intellectuelle».

 Il faut d'autant plus se féliciter du résultat qu'il était immoral d'invoquer la lutte contre la contrefaçon pour entraver l'accès aux médicaments qui, dans le tiers-monde, ne peut se faire que par l'augmentation de la part du générique.