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L'Europe affiche
de manière ostentatoire sa fierté d'avoir pris la décision d'aider l'un des
siens, la Grèce, à sortir des difficultés qui la déchirent depuis quelque temps
déjà.
Le peuple grec, pour sa part,crie au scandale et dénonce les conditions liées à cette aide. Apparemment, la notion de solidarité dans l'Union européenne fait grincer des dents, et pas seulement en Grèce parce que, un peu partout dans le monde, y compris en France qui vient de voter en faveur de l'aide, des voix s'élèvent pour mettre en garde contre la sévérité des conditions accompagnant l'aide de l'Europe à la Grèce. Emprunter de l'argent à un taux pour le prêter à la Grèce à un taux supérieur serait dans le monde actuel un comportement tout à fait normal s'il ne s'agissait pas d'aide, mais lorsqu'on sait l'ampleur de la crise de ce pays et à partir du moment où l'on crie sur tous les toits qu'il s'agit d'une aide, ce comportement se met à rassembler à celui d'un certain type d'oiseaux. Par ailleurs, les mesures draconiennes auxquelles seront soumis les Grecs ne laissent rien présager de bon. En suivant l'avis des experts, on peut dégager, en gros, trois éventuelles conséquences de cette «curieuse conception de l'aide» comme l'a décrite un politique français. Tout d'abord, c'est la mise en marche du train Europe vers la fin de l'Euro. Le prix Nobel d'Economie J. Stiglitz a, en effet, fait part de sa crainte de voir ce comportement européen à l'égard de l'un des siens lui faire perdre sa crédibilité, ce qui ne manquera pas de provoquer un effet de contagion et atteindre les autres pays à lourd déficit comme le Portugal, l'Espagne, voire la Grande-Bretagne. Dans ce cas, selon Stiglitz, il y aurait à craindre que la monnaie unique disparaîtra dans un bref avenir. Et comme il situe la cause de ce comportement dans les défaillances institutionnelles de l'union, le prix Nobel d'économie précise «si l'Europe ne règle pas ses problèmes institutionnels fondamentaux, l'avenir de l'euro sera peut-être très bref». L'autre grande éventualité qui apparaît chez les analystes, c'est la fin de l'Union européenne ou peut être sa reconfiguration. Les pays les mieux portants de l'Union pourront, selon cette thèse, être tentés de se retirer d'un bloc dont ils ne font que supporter les faiblesses et les problèmes, pour constituer un autre bloc, plus petit et mieux gérable avec, comme membres des pays assez riches sur le plan de la valeur ajoutée. Il est à comprendre par-là Nord l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, la Norvège? La troisième possibilité, enfin, serait que sous la pression de la rue, le gouvernement grec demanderait à sortir de l'Union ce qui n'est pratiquement pas possible dans les textes fondateurs de l'UE mais lorsqu'un pays se trouve au bord de la faillite, a-t-il le temps d'être regardant sur les textes d'une union qui ne lui pas, il faut le dire, rendu la vie facile. Pour la Grèce, on sait, on voit, on suit? mais la question qui ne cesse de revenir sur les lèvres ces derniers temps c'est «et les autres ?». Que va-t-il advenir, en effet, de l'Espagne ? du Portugal ? de l'Irlande ? et même de la Grande-Bretagne ? Lorsqu'on sait que les spéculateurs adorent jouer dans ce genre de marécages et lorsqu'on sait à quel point l'Europe les aide dans ce jeu morbide, il ne faut pas s'étonner de voir la crise enfler dans les prochains jours, voire dans les prochaines heures. Ce mercredi déjà, tôt le matin, rumeurs et spéculations sur la capacité de l'Espagne et du Portugal à rembourser leurs dettes ont commencé à envahir des médias dont une partie n'est pas innocente dans ce qui peut s'annoncer comme une catastrophe financière. Une rumeur selon laquelle l'Espagne pourrait prochainement demander une aide de 280 milliards d'euros à l'Europe sent le comportement rapace, ni plus ni moins, parce malgré la différence des réalités grecques et espagnoles, et malgré la difficile comparaison, certains milieux, ceux qui adorent tirer profit des problèmes des autres, ne veulent rien entendre. On dit que l'argent n'a pas d'odeur, oui, mais parfois il a une couleur, celle de la honte et de l'indignité. Lorsque mardi passé des manifestants grecs ont brandi d'énormes affiches appelant les peuples européens à se lever, ils étaient loin de se douter que, si l'Europe ne fait rien pour se débarrasser d'abord de l'égoïsme destructeur qui habite ses membres et régit ses textes, la contagion des autres pays par la Grèce risque de donner lieu à de véritables descentes de peuples dans la rue avec, à la clé, une voie béante pour la rupture de l'Union. A force de concevoir l'aide à peuple en danger comme une opportunité à ne pas rater pour grignoter quelques millions d'euros, l'Europe et ses membres risquent de passer de mauvais moments. En tout cas, et au moment où tout un peuple se débat contre le ciel qui lui tombe sur la tête, on a bien entendu certains ministres de l'économie dire, avec fierté en plus, qu'ils comptent tirer près de cinq millions d'euros de cette aide à la Grèce. C'est cela l'aide, bien sûr ! |
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