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Face aux nouvelles mutations gazières qui se dessinent à l'horizon
2015/2020, la nouvelle donne du gaz non conventionnel qui devra être
impérativement discutée lors de la réunion du GNL16 et du Forum des
exportateurs de Gaz (Fpeg) à Oran du 18/21 avril 2010, se pose le problème de
la faisabilité tant de la décision d'une OPEP gaz que de la réduction de la
production de gaz conventionnel, décision devant répondre à douze(12) questions
stratégiques.
En effet, de plus en plus d'experts nationaux et étrangers estiment que l'Algérie se doit de revoir sa stratégie énergétique. Les hydrocarbures étant la propriété de toute la collectivité nationale, un large débat s'impose. Aussi, je me félicite que ma contribution intitulée «Le gaz non conventionnel bouleverse, la stratégie gazière mondiale et la réunion du GNL» publiée par plusieurs quotidiens nationaux reprise par la majorité des sites internationaux et développée par la suite dans plusieurs contributions internationales et nationales aient suscitées des débats constructifs. Lors du 10e Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG), qui regroupera à Oran les ministres des 11 pays membres (l'Algérie, la Bolivie, l'Égypte, la Guinée équatoriale, l'Iran, la Libye, le Nigeria, le Qatar, la Russie, le Venezuela et Trinité&Tobago), ainsi que 3 pays observateurs qui sont la Norvège, le Kazakhstan et les Pays-Bas, le ministre de l'Energie et des Mines algérien vient d'affirmer lors du 12ème Forum international de l'énergie (IEF), qui s'est ouvert le 30 mars 2010 à Cancun Mexique, qu'une décision importante sera prise, à savoir la baisse de l'offre de gaz afin d'ajuster l'offre et la demande pour avoir un prix juste. Qu'en sera-t-il des décisions importantes à Oran si l'on écarte les supputations utopiques d'une OPEP gaz à l'image d'une OPEP pétrole dont la cotation se fait au jour le jour à la bourse invoquée dans un passé récent par certains responsables de l'Iran, le Venezuela (ces pays pour des raisons politiques) et l'Algérie, la Russie ayant eu toujours une position ambiguë à ce sujet, supposant que les GNL du fait de la flexibilité, avec les tankers représentent plus de 85% de la commercialisation mondiale. La réunion du GNL16 à Oran permettra-t-elle d'apporter des solutions concrètes à la baisse des prix du gaz ? Telle est l'objet de cette contribution. 1. Le marché du gaz(une tonne de pétrole = 1000 m3 de gaz = 1.5 tonne de charbon) par canalisation (72% du marché mondial) en 2009 et celui du GNL(28%) sont dominés par les contrats à moyen et long terme y compris sur des périodes allant de 20 à 25 ans de façon à offrir un approvisionnement garanti de base, auquel peut s'ajouter un approvisionnement couvert par des contrats à court terme, pour les périodes de forte demande. En effet, bien que des contrats à moyen et à court terme (ou transaction au comptant) sont en train d'apparaître : leur part du marché du GNL est passée de 1 % en 1992 à 8 % en 2002 et ont tendance à aller vers plus de 12/ 15 % entre 2007/2010, encore que la crise mondiale d'octobre 2008 a freiné cette tendance. En abaissant l'offre, les pays producteurs respecteront-ils ces contrats qui en principe sont non révisables ? Et qu'en sera-t-il pour l'Algérie qui a programmé plus de 85 milliards d'exportation horizon 2012/2014 (en moyenne 40% GNL, 60% GN) dont des dépenses réalisées sans compter ceux programmés(Medgaz et Galsi), seulement pour les canalisations, sont supérieures à 7 milliards de dollars et les 10 milliards de dollars pour les deux nouveaux GNL? Quelle sera l'attitude des consommateurs dont l'Europe l'Algérie représentant actuellement environ 10% du marché européen? 2.Qu'en sera-t-il du projet gazoduc Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) surtout sa rentabilité -devant relier le Nigeria à l'Europe- via l'Algérie, d'une longueur de 4.128 km, dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie, d'une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen, où selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA pour la somme de 2,04 millions de dollars, le projet pour se matérialiser coûtera plus 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars ramené par la suite à 10 milliards de dollars qui au départ, sous réserve de la résolution de certains conflits frontaliers, devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège pour passer horizon 2015 à 15% de l'approvisionnement de l'Europe ? 3.La mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-ils pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec comme résultat dans les prochaines années l'offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, avec pour conséquence une pression accrue sur les prix, qui, selon Cedigaz, devrait reculer, la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, combinée à une forte réduction de la demande, rallongeant jusqu'à 2015-2016 la période actuelle de bulle gazière ? 4. Cette décision influencera-t- elle les prix du gaz, sachant qu'en moyenne, le prix de cession du gaz devant tenir compte bien entendu des fluctuations du dollar monnaie de référence, pour sa rentabilité est d'environ 1/10 du prix du pétrole malgré de lourds investissements encore qu'existent des différences de prix mais avec un écart faible, fonction des zones géographiques et des modalités de contrat, le prix de cession étant indexé sur celui du pétrole., le 1/10 étant valable pour le gaz naturel par canalisation, le prix de cession étant supérieur pour le gaz naturel liquéfié(GNL) devant tourner entre 10/14 dollars selon les zones géographiques du fait du coût de transport? A moins de cela l'Algérie exporte à pertes ne couvrant pas ses coûts déjà élevés et en plus si on réduit la production, à quoi servent ces investissements coûteux ? 5. L'expérience historique n'a-t-elle pas montré que cette formule d'indexation pose problème, n'ayant pas eu toujours une proportionnalité: pour preuve au moment où le prix du pétrole dépassait 100 dollars, le prix du MBTU(ndlr : le MBTU «million d'unités thermales britanniques» égal à 27,6 mètres cubes), n'a jamais approché 10 dollars et actuellement nous avons un cours du pétrole fluctuant entre 75/80 dollars et le prix de cession du gaz malgré un hiver rigoureux varie entre 5 et 6 dollars ? Qu'en sera-t-il des prévisions du ministre algérien, de l'Energie je le cite « le prix équitable du gaz est de 14 dollars le MBTU. Il faut diviser le prix du baril de pétrole, actuellement autour de 80 dollars, par six, cela donne 13-14 dollars par MBTU, ce qui serait équitable» ? Cela est important pour l'Algérie puisque le gaz brut (GN et GNL) représente environ un tiers (1/3) de la valeur en devises de ses exportations, et beaucoup plus à l'avenir puisque pour le pétrole ayant moins de 1% des réserves mondiales allant, à moins d'un miracle, vers l'épuisement dans moins de 18 ans. 6.L'Algérie étant mieux dotée en gaz représentant actuellement selon les statistiques internationales 3% des réserves mondiales,(4500 milliards de mètres cubes gazeux estimation de 2006) qu'en sera-t-il avec son épuisement car l'on peut découvrir des centaines de gisements mais non rentables financièrement, devant tenir compte de la forte consommation intérieure, 85 milliards de mètres cubes gazeux d'exportation et 75 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieure si toutes les unités programmées sont réalisées, posant d'ailleurs le problème du prix de cession intérieur largement inférieur au vecteur prix international, soit au total une production annuelle de 160 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2014/2015 donc allant vers l'épuisement vers 25/30 ans ? 7.Qu'en sera-t-il sur le volet prix et coûts liés de la crise économique ayant provoqué des bouleversements au niveau de l'évolution des prix, avec comme conséquence principale une déconnexion prononcée entre les prix du gaz et les prix du pétrole, liée à la progression de production de gaz non conventionnel aux Etats-Unis et à la surabondance de l'offre de GNL. ? En précisant que ces schistes à porosité très faibles contiennent de grandes quantités de gaz provenant de la décomposition de matière organique par des bactéries sont désormais exploitables grâce à la technique de fracturation hydrosiliceuse, qui consiste à envoyer du sable et de l'eau sous pression pour fracturer la roche et libérer le gaz piégé dans les pores. Cette technique est encore plus efficace lorsqu'elle est associée à des forages horizontaux allant chercher les réserves dans l'ensemble de la couche et pas seulement à la verticale des puits. Le dernier rapport de l?AIE 2010 repris par la majorité des revues spécialisées ne prédit-il pas la généralisation de ces nouvelles technologies des réserves mondiales de gaz de schiste estimées à près de 900 téramètres cubes, soit plus de quatre /cinq fois les ressources de gaz conventionnel mais en mars 2010 pour leur rentabilité exigeant un prix de cession variant entre 7/8 dollars le MBTU moyenne 2009, le coût ayant baissé de 40% en trois années et pouvant encore baisser avec la généralisation des nouvelles technologies. Cette nouvelle donne n'affaiblit-elle pas les négociations des pays producteurs qui ont réalisé des contrats à moyen et long terme pour le gaz conventionnel ? 8. Le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL ne va-t-il pas modifier la donne au plan mondial qui risquent d'être rejoints par de nombreux pays comme la Chine, la Russie expliquant la baisse vertigineuse du prix du gaz sur le marché libre spot depuis près d'une année et paradoxalement accroissant la concurrence et segmentant encore plus le marché qui devient de plus en plus local. Cette nouvelle configuration des prix ne pose-t-elle pas le problème de l'indexation des prix du gaz aux prix du pétrole dans les contrats long terme en Europe et en Asie ? Le succès du gaz non conventionnel ne compromet-il pas l'essor du GNL, posant la problématique de la rentabilité des deux GNL algérien en construction Skikda et Arzew nécessitant au minimum un prix de cession entre 12/14 dollars le MBTU ? Et quel sera le prix de cession respectivement du gaz conventionnel et du gaz non conventionnel, des énergies substituables tenant compte de l'abaissement des coûts des technologies utilisées à travers leur généralisation ? 9. Ne faut-il pas faire confiance au génie humain, demain les énergies renouvelables dont le solaire évitant cette vision pessimiste du pic énergétique,, la flambée des prix du gaz aux USA et les progrès techniques n'ont-ils pas conduit à une croissance forte de la production des gaz non conventionnels au point que la production de ces derniers (c'est-à-dire gaz de houille, gaz de schistes et «shale gas»), risquent de devenir moins chers à produire, dépassant aujourd'hui celle du gaz conventionnel, le Department of Energy ayant revu à la baisse sa prévisions de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020; d'où le gel voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification ce qui risque d'être suivi par d'autres pays notamment en Asie? Les données des experts jugeant que des réserves de gaz non conventionnel d'une ampleur équivalente peuvent être trouvées en Europe ou en Asie, ne risquent-elles pas de changer ainsi la géopolitique mondiale du gaz? Qui aurait selon certaines prospectives dit 200 ans de réserve de gaz non conventionnel pour la Pologne qui risque de bouleverser la donne européenne ? .Seuls les pays possédant beaucoup de réserves d'eau pouvant utiliser ces nouvelles techniques ne préfigurent-elles pas d'un bouleversement stratégique aux dépens des pays arides et semi- arides comme l'Algérie et au Moyen-Orient lorsqu'on sait que le forage et la fracturation hydrauliques des puits peuvent nécessiter un apport d'eau considérable, les producteurs qui exploitent les schistes de Barnett (Texas USA) ayant utilisé 1 % de toute l'eau consommée dans le bassin de Fort Worth en 2007? . Existera-t-il une discipline même au niveau du marché du gaz conventionnel entre les différents producteurs avec les nouvelles découvertes de gaz en Amérique Latine et en Afrique surtout et cette baise de l'offre de ceux présents à Oran ne sera- t- elle pas contrebalancée par à la fois ces nouveaux producteurs ayant un important besoin de financement et surtout par le gaz non conventionnel pénalisant ainsi ceux qui réduiront l'offre ? .Et enfin la réussite de cette réunion ne dépendra-t-elle pas de la Russie qui a montré par le passé qu'elle privilégiait avant tout ses intérêts propres, la Russie ayant profité de la baisse des quotas OPEP pour devenir le premier exportateur de pétrole mondial courant 2009, Gazprom (avec la Norvège) étant le concurrent direct de Sonatrach comme en témoigne les récents accords gaziers avec l'Espagne et la France (plus de 30% des réserves mondiales de gaz conventionnel, de l'Iran 15% et du Qatar 10%) sans compter les récentes découvertes de gaz non conventionnel en Sibérie ? Et Gazprom est-elle toujours intéressée pour prendre une participation dans le projet Nigal ? Ce sont là autant de questions fondamentales qu'il conviendra de débattre en toute sérénité lors de la réunion du GNL16, loin de vœux pieux, mais devant tenir compte des nouvelles mutations de l'économie gazière intimement liées à la nouvelle stratégie énergétique mondiale entre 2015/2020 dont le développement des énergies renouvelables. * Expert international en energie |
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