Que les prix montent ou descendent à l'international, l'Algérien achètera
toujours, au prix fort, les produits céréaliers, particulièrement la semoule et
la farine, deux céréales qui sont incontournables pour la gastronomie
algérienne.
La «crise» du blé dur, qui a opposé, pendant plusieurs semaines, la
direction de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et les
transformateurs, dont les meuniers, a fait long feu. Hier, le n°1 de l'OAIC, M.
Noureddine Kehal, a tenu un discours rassurant, après avoir menacé les
professionnels des minoteries de leur interdire tout approvisionnement en
céréales s'ils maintenaient leurs achats sur le marché international, au
détriment de l'office. Le «bras de fer», on se rappelle, avait opposé les deux
parties après que les prix sur le marché mondial des céréales, et notamment du
blé dur, aient chuté, ce qui n'avait pas laissé insensibles les importateurs.
Du coup, l'OAIC, qui rachète aux céréaliculteurs la totalité de leur
production, s'est retrouvé avec un peu plus de 9 millions de quintaux sur les
bras, après une production 2009, record qui avait dépassé les 63 millions de
quintaux, toutes céréales confondues. Or, le danger pour l'office est que le
surplus de production de blé dur, prisé par les meuniers qui en font du
couscous, des pâtes alimentaires ou des lasagnes, allait lui rester sur les
bras alors que la production 2010 est presque arrivée. D'autant que le chiffre
d'affaires tiré par les meuniers en transformant le blé dur est très attractif.
Les ventes de l'office étaient passées de 1,7 million de quintaux par mois à
moins de 600.000 q depuis le mois d'octobre dernier. D'où cette menace de
l'OAIC de ne plus servir les transformateurs qui refusent de prendre leur
quota, fixé à près de 50% de leurs besoins, en s'approvisionnant sur le marché
international, où les prix sont très bas. La tonne de blé dur est de 250
dollars sur les marchés mondiaux, alors qu'elle était de plus de 1.000 dollars
en 2009. La marge est donc très importante, d'où cette ruée massive des
meuniers auprès des marchés extérieurs. Sur les 117 transformateurs
conventionnés avec l'OAIC, ?'il a été enregistré, avant fin mars, plus de 26
transformateurs venus reprendre leurs quotas habituels en blé dur», affirme le
directeur général de l'office, selon lequel plusieurs dizaines de milliers de
quintaux stockés ont été ainsi écoulés après l'ultimatum lancé par cet office.
Les stocks de blé dur de l'OAIC étaient estimés à près de 6 millions de quintaux,
soit près de 66% de la totalité de la récolte 2009, à la mi-mars, et qu'il
fallait écouler avant le mois d'août prochain pour libérer les aires de
stockage pour la nouvelle production. Selon l'OAIC, il faut, pour liquider ces
stocks de blé dur, enlever 1 à 1,2 million de quintaux par mois. La convention
liant l'OAIC aux transformateurs oblige ces derniers à s'approvisionner
mensuellement auprès de l'office à raison de 50% de leur capacité de
trituration, et ce, à un prix administré de 2.280 DA/q pour le blé dur et de
1.285 DA/q pour le blé tendre. Pour autant, les préoccupations demeurent, quant
à l'enlèvement total de l'ensemble de la production nationale de blé dur, alors
que les prix sur le marché international sont très bas, et favorisent une spéculation
féroce entre les différents intervenants. Car même si l'office oblige les
meuniers et autres professionnels de la transformation des céréales à acheter
auprès de ses différentes unités, les achats à l'International ne sont pas pour
autant arrêtés, car la production nationale ne peut, à elle seule, même en cas
de production record, suffire aux besoins du marché algérien, estimés à plus de
10 millions de tonnes par an. Ce qui est largement au-delà des capacités de
l'agriculture nationale. En 2008, l'Algérie a dépensé plus de 800 millions de
dollars pour ses achats de céréales sur le marché international, soit presque
le double de l'année 2007. En moyenne, l'Algérie achète 5 millions de tonnes de
céréales chaque année sur le marché international. Cependant, les meuniers et
autres professionnels de l'industrie de transformation des céréales, ne
répercutent jamais la baisse des prix à l'International sur leurs produits.
Malgré la baisse des cours mondiaux des céréales (blés, soja, tourteaux, maïs),
les meuniers algériens n'ont jamais répercuté cette baisse sur le marché
national, bien au contraire. A titre illustratif, le kilogramme de semoule est
cédé actuellement à 45-50 dinars environ, alors que son prix rendu consommateur
était de 35 da/kg en 2009, malgré le fait que les cours mondiaux étaient en
hausse. Il est vrai que les achats étaient subventionnés par l'OAIC, qui a
ainsi demandé à ses «clients» de lui renvoyer l'ascenseur.