La capitale russe a été secouée hier, tôt le matin, par deux
explosions survenues dans le métro de la ville, faisant au moins 38 morts et au
moins 64 blessés, selon un bilan provisoire. Selon l'enquête des services de
sécurité russes, cet attentat, le plus meurtrier depuis celui de 2004, a été
exécuté par deux femmes kamikazes, qui avaient actionné des ceintures
d'explosifs dans le métro à l'heure de pointe. La première explosion a retenti
dans la station Loubianka, à quelques centaines de mètres du Kremlin, à 07H57
locales, un lieu hautement symbolique, cette station desservant le siège du FSB
(ex-KGB). «Tout d'un coup, une femme est sortie du métro et m'a dit qu'il y
avait eu une explosion dans le deuxième wagon. Après un homme est sorti en pleurant
et en criant ?Dieu merci je suis vivant !», raconte Lioudmila Samokatova, une
vendeuse de journaux à la sortie de la station. La deuxième explosion s'est
produite à 08H36 sur la même ligne, à la station Park Koultoury, également dans
le centre-ville. Des fragments des corps de deux femmes considérées comme
responsables des explosions ont été retrouvés, selon le comité d'enquête du
parquet russe. Elles portaient des ceintures d'explosifs. Le directeur du FSB,
Alexandre Bortnikov, a mis en cause la rébellion qui s'est installée dans la
durée au Caucase du Nord, ensanglanté notamment depuis les années 1990 par les
deux guerres en Tchétchénie. «Selon la version préliminaire, les attentats ont
été commis par des groupes terroristes liés à la région du Caucase du Nord.
Nous privilégions cette version», a ajouté le chef du FSB.
L'identité des deux
kamikazes aurait été établie par les services de sécurité russes, grâce aux
caméras de surveillance. Vers 09H00 GMT, les sauveteurs ont commencé à sortir
du métro Loubianka les corps des victimes, dans des sacs mortuaires posés sur
des civières métalliques, placés ensuite dans une ambulance. Les accès à la
station étaient bloqués par des dizaines d'agents de la police antiémeutes,
tandis qu'à proximité plusieurs dizaines de véhicules de la police et de
sauveteurs étaient stationnés. Ce double attentat a été condamné par de
nombreux dirigeants dans le monde. Le président américain Barack Obama a ainsi
condamné ces attentats, les qualifiant «d'actes atroces». «Le peuple américain
est solidaire du peuple russe pour s'opposer à l'extrémisme violent et aux
attentats terroristes ignobles qui montrent un tel mépris de la vie humaine, et
nous condamnons ces actes atroces», a souligné M.Obama dans un communiqué. De
son côté, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a «condamné
avec force ces attentats. «Au nom de l'Otan, je condamne avec force les
attaques terroristes survenues aujourd'hui à Moscou», a-t-il déclaré dans un
communiqué, ajoutant que «rien ne peut justifier de telles attaques contre des
civils innocents». Depuis le début en 1990 de l'invasion russe en Tchétchénie,
dans un Caucase alors prometteur avec son gisement pétrolier, Moscou a été
frappée plusieurs fois par des attentats à la bombe mortels, mais le dernier
attentat d'ampleur dans le métro moscovite remonte au 6 février 2004. Il avait
fait 41 morts et 250 blessés. Pour les spécialistes de la guerre en
Tchétchénie, «les deux attentats suicide commis lundi en plein centre de Moscou
ont mis crûment en lumière l'échec des efforts de l'homme fort du pays,
Vladimir Poutine, pour mettre fin à la violence séparatiste qui mine depuis des
années le Caucase». «C'est un échec de la politique de Poutine dans le Caucase
du Nord», estime l'analyste indépendant Alexandre Golts, ajoutant: «Tout acte
terroriste est un échec des services spéciaux. Et les services spéciaux sont
l'enfant chéri du Kremlin». «Les explosions à Moscou ne sont pas surprenantes:
les combattants annonçaient le jihad en Russie depuis fin décembre», explique
de son côté l'analyste Alexeï Malachenko de la Fondation Carnegie. Les menaces
des rebelles se sont intensifiées ces dernières semaines après la mort de deux
de leurs leaders, note l'expert. Les leaders indépendantistes tchétchènes,
Dokou Oumarov, Anzor Astemirov et Saïd Bouriatski, ont été tués la semaine
dernière par les forces russes du FSB. Pour beaucoup d'analystes, les attentats
à la bombe de lundi ne seraient qu'un avertissement de la rébellion tchétchène
contre le pouvoir à Moscou, qui n'a pu pacifier depuis vingt ans une région
toujours aussi turbulente et qui maintient ses revendications séparatistes.